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Jeanne d'arc






Elle s'entretient avec un capitaine de son armé e, qui lui reproche
son é chec devant Paris.

Gilles de Rais. — (...) Madame Jeanne, c'est un peu de votre faute
a vous, si l'assaut d'hier n'a pas ré ussi.

Jeanne. — Comment cela, messire?

Gilles de Rais. — Vous ne savez point parler aux soldats.

Jeanne. — Je ne sais point parler aux soldats?

Gilles de Rais. — J'ai le trè s grand regret, madame Jeanne, d'ê tre
forcé de vous dire que vous ne le savez pas. Je vous entendais bien,
hier, madame Jeanne: vous leur parliez du bon Dieu et de tous les saints
du paradis; vous leur parliez de la France, et de la race royale; vous leur
parliez de la paix, madame Jeanne.

(Un silence)

Oui, ces hommes qui ne vivent que de la guerre, qui ne vivent que par
] la guerre, qui ne vivent que pour la guerre, qui ne respirent que la guerre,
qui ne jouissent que de la guerre (...) vous allez leur vanter les bienfaits de
la paix! Aussi, madame Jeanne, ils vous é coutent: hier au soir, ils ont
quitté la guerre qui se faisait sur les murailles de Paris, et ils sont revenus
à La Chapelle1 goû ter les bienfaits de la paix des cantonnements... Non,
madame Jeanne, ce n'est pas cela qu'il faut dire aux soldats.


Jeanne. — Et qu'est-ce qu'il faut donc leur dire, messire?

Gilles de Rais. — On les assemble autour de soi face à la ville, et on
leur dit: «Soldats, vous ê tes mal vê tus et mal nourris. Notre sire le roi
vous doit beaucoup, mais ne peut rien pour vous; il ne peut pas mê me
vous payer votre solde. Heureusement que vous avez devant vous la
plus riche ville du monde. Vous y trouverez tout: l'or et l'argent, les
belles é toffes, les grandes et les bonnes ripailles2 (...) Vous y trouverez
tout: honneur, gloire et richesse: allons, mes soldats: manqueriez-vous
de courage3?

Jeanne (un silence bref). — Messire, é coutez bien: savez-vous ce
que c'est, que celui qui dit ç a?

Gilles de Rais. — C'est un bon capitaine, celui qui parle ainsi.

Jeanne. — Non, messire: celui qui parle comme cela, c'est le dernier
des hommes.

Charles PÉ GUY, Jeanne d'Arc.

Примечания:

1. Деревня к северу от Парижа.

2. Букв, кутеж, пирушку, т. е. выпивку и жратву.

3. В определенном смысле это перифраз речи Бонапарта перед Итальянской
армией, которой он командовал в 1796 г. Жиль де Ре был одним из величайших
злодеев в истории Франции; он послужил для Шарля Перро прообразом Синей
Бороды. У Ш. Пеги он как бы оттеняет духовную чистоту Жанны.

EN ALLANT AU SACRE DU ROI (1824)

(Victor Hugo s'en va, avec d'autres é crivains et artistes, assister au
sacre du roi Charles X.)

[Sur la route de Paris à Reims, ] M. Victor Hugo regardait les bois,
les plaines, les villages et se querellait avec le Romain1 qui accusait les
moulins à vent de dé ranger les lignes du paysage avec leurs mouve-
ments de bras. Quand on demandait à M. Nodier2 son avis sur les
moulins, il ré pondait qu'il aimait beaucoup le roi d'atout3; il avait mis
entre ses genoux son chapeau retourné, qui é tait devenu ainsi une
excellente table de jeu (...).

La partie s'interrompait aux cô tes, qu'il fallait monter à pied pour
é pargner les chevaux. A une de ces monté es, M. Nodier [voit] à terre
une piè ce de cinq francs.


«Tiens, dit-il, le premier pauvre que nous rencontrerons va ê tre
joliment content.

— Et le deuxiè me donc! dit M. Victor Hugo qui [aperç oit] une
deuxiè me piè ce.

— Et le troisiè me!» [reprend] M. Alaux, aprè s un moment (...).
D'instant en instant, les trouvailles devenaient plus abondantes.

«Ah! ç a, dit l'un, quel est le fou qui s'amuse ainsi à semer ses
tré sors?

— Ce n'est pas un fou, dit M. Victor Hugo; c'est plutô t un
millionnaire gé né reux qui ajoute à la magnificence de la fê te en tenant
bourse ouverte».

(Malheureusement avec les piè ces de cinq francs, on ramasse
bientô t une croix d'honneur, et la pluie de monnaie s'explique- «La
valise de Victor Hugo avait un trou et, à chaque secousse, elle se
vidait»).

Victor HUGO, raconté par un té moin de sa vie.

Примечания:

1. С живописцем Ало. получившим Римскую премию, которая присуждалась
художникам

2. Шарля Нодье, писателя-романтика, автора прелестных сказок.

3. Козырной король (в игральных картах).

SECTEUR CALME

Nos journé es é taient assez calmes. [L'ennemi] bombardait le bois
à des heures trè s ré guliè res que nous finissions par connaî tre. Alors
chacun se planquait1 de son mieux et attendait la fin de l'orage (...).

Ces bombardements é taient d'ailleurs, le plus souvent, provoqué s par
nous, c'est-à -dire par nos artilleurs. J'en sais quelque chose, car ils
venaient ré gler leurs tirs dans mon observatoire. [Leur] capitaine é tait un
ré serviste, un homme d'â ge mû r, fort courtois, dans le civil2 antiquaire
à Paris, tout prè s de mon quartier Saint-Sulpice. Aussitô t arrivé il
dé crochait notre té lé phone, demandait la batterie, donnait ses
coordonné es de tir et commandait: «Envoyez quatre navets1!» Quelques
secondes aprè s, quatre gerbes de neige et de terre fusaient de l'autre cô té
dans les champs. C'é tait le coup de ré glage. Aussitô t aprè s il rectifiait par
té lé phone et faisait envoyer deux ou trois douzaines de «betteraves».


Dè s que les «betteraves» é taient arrivé es à destination nous
attendions la riposte de [l'artillerie ennemie]. C'é tait ré glé comme papier
à musique4. Elle venait exactement vingt minutes aprè s. Vous pouviez
sortir votre montre et vé rifier. Alors les fusants5 pleuvaient sur notre
forê t. D'ailleurs les officiers d'artillerie attendaient la fin de l'averse
pour sortir de notre observatoire. [J'ai dit] un jour au capitaine
d'artillerie: «Ce serait le filon6, cette guerre, s'il n'y avait pas les
artilleurs!»

M. FOMBEURE, Les Godillots 7 sont lourds.

Примечания:

1. (Солдатский жарг) прятался в укрытии.

2. В довоенной жизни, " на гражданке".

3. Снаряд малого калибра солдаты шутливо называли navet (репа), крупно-
калиберный — betterave (свекла).

4. В точности, как по часам (фразеол.). On appelle papier ré glé, du papier sur
lequel on a tracé des lignes droites à la rè gle, le papier à musique avec les lignes des
porté es, doit ê tre ré glé avec exactitude. Ce qui est ré glé comme papier à musique,
arrive exactement au moment attendu.

5. Бризантные снаряды, взрывающиеся в воздухе, снаряды, взрывающиеся при
попадании в цель, называются percutants - снаряды ударного действия.

6. (Жарг) золотая жила, " лафа".

7. Солдатские башмаки (разг), так же на жаргоне называли пехотинцев. '







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