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Paris et Marseille, 1802-1806






Victorine Mounier, qu’il aime «comme le bonheur» sans ré ellement la connaî tre.

Aprè s un passage par Grenoble où il est resté trois mois, il retrouve Paris sous un meilleur jour, puisqu’il continue de recevoir sa solde de sous-lieutenant. Il sort, fré quente les thé â tres, les salons, commence à é crire des comé dies, é tudie le comique, prend des cours de danse, d'anglais, de grec, lit beaucoup: Hobbes, Destutt de Tracy, Vauvenargues, Hume, Goldoni, Alfieri… Le 20 juillet 1802, il dé missionne de son poste dans l'armé e. Son pè re lui envoie 200 francs par mois, pas assez pour Henry qui dé pense pour ses cours, ses livres, son habillement… car, ne se trouvant pas beau, il tient à son é lé ganceN 6. Son manque d’argent le fait souffrir; il lui attribue sa timidité, son manque d’assurance dans les salons et auprè s des femmes: «Un an de luxe et de plaisirs de vanité, et j'ai satisfait aux besoins que l'influence de mon siè cle m'a donné s, je reviens aux plaisirs qui en sont vraiment pour mon â me, et dont je ne me dé goû terai jamais. Mais dans ce temps de folie, je me serai dé fait de ma timidité, chose absolument né cessaire pour que je paraisse moi-mê me; jusque là on verra un ê tre gourmé et factice, qui est presque entiè rement l'opposé de celui qu'il cache25…» Dans ses lettres, il partage ce qu'il apprend avec sa sœ ur Pauline, lui fait part de ses pensé es. Il flirte avec sa cousine Adè le Rebuffel… pour finir par coucher avec la mè re de celle-ci, Madeleine. Le 2 dé cembre 1804, le Premier Consul se fait couronner Empereur par le Pape. Ré action mé prisante d'Henri qui voit passer le cortè ge: «cette alliance si é vidente de tous les charlatans. La religion venant sacrer la tyrannie, et tout cela au nom du bonheur des hommes26.» Il tombe trè s amoureux de la sœ ur d’un ami, Victorine Mounier, rencontré e à Grenoble. La connaissant peu, il lui imagine mille qualité s et rê ve de mariage: «Si j'allais dans les mê mes socié té s qu'elle, je suis sû r qu'elle m'aimerait, parce qu'elle verrait que je l'adore et que j'ai une â me, belle comme celle que je lui suppose, que son é ducation […] doit lui avoir donné, et qu'elle a sans doute; et il me semble qu'une fois que nous nous serions sentis, et combien le reste du genre humain est peu propre à mé riter notre amour et à faire notre bonheur, nous nous aimerions pour toujours25.» Il é crit d’abord à son frè re, dans l’espoir qu'il fera lire les lettres à sa sœ ur puis à Victorine elle-mê me, sans recevoir de ré ponse.

Il prend des cours de dé clamation chez Dugazon, afin de bien lire les vers. Il y rencontre Mé lanie Guilbert, dite Louason, jeune comé dienne, qui lui fait oublier Victorine. Il en tombe progressivement trè s amoureux. Trè s intimidé, «[il] n’a pas l’esprit d’avoir de l’esprit27» en sa pré sence. Ils se voient tous les jours et s’embrassent beaucoup, mais Mé lanie ne veut pas d’un amant de peur de se retrouver enceinte. Henri «commence à [s]’accoutumer au bonheur28.» Ils sont amants le 29 juillet 1805, lorsqu'il la rejoint à Marseille où elle a obtenu un rô le au Grand Thé â tre. À Marseille, il tente de se faire banquier, avec son ami Fortuné Mante, mais, son pè re ayant refusé de lui prê ter les fonds né cessaires, c’est un é chec. Sa vie de couple avec Mé lanie finit par le lasser, il la trouve bê te, tyrannique et geignarde29, mais c’est elle qui part en mars 1806. Ennuyé par la ville, dé sœ uvré, ruiné, il rentre à Paris le 10 juillet, renoue ses relations avec la famille Daru, leur demande un poste, qu'il obtient. Vers le 3 aoû t il est reç u franc-maç on30. Le 16 octobre 1806 il suit Martial Daru en Allemagne.

L’Allemagne et l’Autriche, 1806-1810

Wilhelmine von Griesheim surnommé e Minette, qui restera longtemps dans son souvenir.

Le 18 octobre 1806, Henri é crit à sa sœ ur Pauline: «Nous allons à Cobourg, mais l’empereur est sans doute bien en avant. Nous allons d'ici à Mayence, de Mayence à Wurtzbourg, de Wurtzbourg à Bamberg, de là, à Cobourg et de là, à la gloire31.» Le 27 octobre, Napolé on entre à Berlin, où Henri arrive peu aprè s. Le 29, Henri est nommé adjoint aux commissaires des guerres et envoyé à Brunswick, où il arrive le 13 novembre. Accaparé par son emploi, il trouve tout de mê me le temps de prendre des cours d’é quitation, de tirer au pistolet, d’aller au thé â tre, au café concert, a des bals… et de tomber amoureux de Wilhelmine von Griesheim, la fille de l’ancien gouverneur de la ville, tout en couchant avec d’autres femmes. Il croit ê tre heureux32. Il n’aime pourtant ni la nourriture allemande composé e de pain noir, de choucroute et de biè re («Ce ré gime rendrait flegmatique l’homme le plus emporté. A moi, il m’ô te toute idé e33.»), ni leurs é dredons, ni leur culture (il ignore Novalis, Hö lderlin, Hegel…). Par contre, il s’enthousiasme pour Mozart. Pauline, aprè s avoir suivi les injonctions à la liberté prodigué es par son frè re un peu trop à la lettre (elle se promè ne à Grenoble en habit d'homme), rentre dans le rang et se marie à Franç ois Daniel Perrier-Lagrange le 25 mai 1808.

Le 11 novembre, il reç oit l’ordre de regagner Paris. Un mé decin lui confirme sa syphilis. Il doit suivre un traitement rigoureux. Le 10 avril 1809, l'armé e Autrichienne passe à l'offensive, Henri doit retourner en Allemagne. Il est affligé du spectacle de la guerre a Ebersberg, ville et corps brû lé s. Napolé on entre dans Vienne le 12 mai. Henri passe sous les ordres de Martial Daru, intendant de la province de Vienne. D'abord enchanté par le climat et la musique, il finit par s'ennuyer à mourir dans son emploi. En octobre, il pense plaire à Alexandrine Daru, l’é pouse de Pierre, sans parvenir à la courtiser, il ne sait comment prendre «ce ton galant qui permet de tout hasarder, parce que rien n’a l’air d’ê tre dit sé rieusement34.» Comme à son habitude, il prend une maî tresse plus accessible. Le 2 janvier 1810 il demande à ê tre envoyé en Espagne. Sans attendre la ré ponse, il part pour Paris.






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