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Loufoquerie






Cet homme me contemplait avec une telle insistance que je commenзais а en prendre rage. Pour un peu, je lui aurais envoyй une bonne paire de soufflets sur la physionomie, sans prйjudice pour un coup de pied dans les gencives.

 

– Quand vous aurez fini de me regarder, espиce d’imbйcile? fis-je au comble de l’ire.

 

Mais lui se leva, vint а moi, prit mes mains avec toutes les marques de l’allйgresse affectueuse.

 

– Est-ce bien toi qui me parles ainsi? dit-il.

 

Je ne le reconnaissais pas du tout.

 

Il se nomma: Edmond Tirouard.

 

– Comment, m’exclamai-je, c’est toi, mon pauvre Tirouard! Je ne te remettais pas. Mais pardon, si j’ose, n’йtais-tu point dans le temps blond avec des yeux bleus?

 

– C’est juste, je me suis fait teindre les cheveux et les yeux! Suis-je pas mieux en brun?

 

Ce pauvre Tirouard, j’йtais si content de le revoir! Depuis le temps!

 

Et nous йgrenвmes les souvenirs du passй.

 

Et Machin? Et Untel? Et Chose? Hйlas! que de disparus!

 

Tirouard et moi, nous йtions dans la mкme classe au collиge. Je ne me rappelle pas bien lequel de nous deux йtait le plus flemmard, mais ce qu’on rigolait!

 

Il mettait au pillage la maison de son pиre qui йtait quincaillier et nous apportait chaque matin mille petits objets utiles ou agrйables: des couteaux, des vis, des cadenas, des aimants (j’adorais les aimants).

 

Moi, en ma qualitй de fils de pharmacien, je gorgeais mes camarades d’un tas de cochonneries: des pвtes pectorales, des dattes. Entre-temps j’apportais des seringues en verre (ф joie!) et des suspensoirs qu’on transformait en frondes.

 

Un jour – mon Dieu! ai-je ri ce jour-lа! – j’arrivai muni d’une boоte de biscuits dont chacun recelait, si j’ai bonne mйmoire, soixante-quinze centigrammes de scammonйe.

 

Toute la classe ne fit qu’une bouchйe de ces friandises traоtresses, mais c’est une heure aprиs qu’il fallait voir les faces livides de mes petits camarades! Mon Dieu! ai-je ri!

 

Ah! ce jour-lа, le niveau des йtudes ne monta pas beaucoup dans notre classe!

 

Comme c’est loin, tout зa!

 

Et avec Tirouard, nous nous remйmorions tous ces vieux temps disparus.

 

– Te rappelles-tu mon expйrience de parachute?

 

Si je me rappelais son parachute!

 

Un jeudi, dans l’aprиs-midi, Tirouard nous avait tous conviйs а une expйrience due а son ingйniositй.

 

Il avait attachй un panier au bec d’un vieux parapluie rouge, insйrй un chat dans le panier, et lвchй le tout au grй de la brise.

 

Le grй de la brise balanзait l’appareil dans les airs pendant de longues heures. Toute la ville йtait sens dessus dessous.

 

La tante de Tirouard, qui adorait son chat et n’avait jamais rкvй pour lui une telle destinйe, poussait des clameurs а fendre des pierres prйcieuses.

 

Finalement, l’appareil alla s’accrocher au coq du clocher, et il ne fallut pas moins d’un caporal de pompiers pour aller dйlivrer le minet aйrien.

 

– Et maintenant, demandais-je а Tirouard, que fais-tu?

 

– Je ne fais rien, mon ami, je suis riche.

 

Et Tirouard voulut bien me conter son existence, une existence auprиs de laquelle l’ Odyssйe du vieil Homиre ne semblerait qu’un pвle rйcit de feu de cheminйe.

 

Quelques traits saillants du rйcit de Tirouard donneront а ma clientиle une idйe de l’originalitй de mon ami.

 

Certaines entreprises malheureuses (entre autres la Poissonnerie continentale – laissйe pour compte des grands poissonniers de Paris) dйterminиrent Tirouard а s’expatrier.

 

Son commerce de pacotilles ne rйussit guиre mieux.

 

Jeune encore, d’une nature frivole et brouillonne, il ne regardait pas toujours si les marchandises qu’il importait s’adaptaient bien aux besoins des pays destinataires.

 

Il lui arriva, par exemple, d’importer des йventails japonais au Spitzberg et des bassinoires au Congo.

 

Dйgoыtй du commerce, il partit au Canada dans le but de faire de la haute banque. De mauvais jours luirent pour lui, et il se vit contraint, afin de gagner sa vie, d’embrasser la profession de scaphandrier.

 

Les scaphandriers йtaient fortement exploitйs а cette йpoque. Tirouard les rйunit en syndicat et organisa la grиve gйnйrale des scaphandriers du Saint-Laurent.

 

Fait assez curieux dans l’histoire des grиves, ces braves travailleurs ne demandaient ni augmentation de salaire ni diminution de travail.

 

Tout ce qu’ils exigeaient, c’йtait le droit absolu de ne pas travailler par les temps de pluie.

 

Ajoutons qu’ils eurent vite gain de cause.

 

Tirouard s’occupa dиs lors du dressage de toutes sortes de bкtes. Le succиs couronna ses efforts.

 

Tirouard dressa la totalitй des animaux de la crйation, depuis l’йlйphant jusqu’au ciron.

 

Mais ce fut surtout dans le dressage de la sardine а l’huile qu’il dйpassa tout ce qu’on avait fait jusqu’а ce jour.

 

Rien n’йtait plus intйressant que de voir ces intelligentes petites crйatures йvoluer, tourner, faire mille grвces dans leur aquarium.

 

Le travail se terminait par le chњur des soldats de Faust chantй par les sardines, aprиs quoi elles venaient d’elles-mкmes se ranger dans leur boоte d’oщ elles ne bougeaient point jusqu’а la reprйsentation du lendemain.

 

А prйsent, Tirouard, riche et officier d’acadйmie, goыte un repos qu’il a bien mйritй.

 

J’ai visitй hier son merveilleux hфtel de l’impasse Guelma, oщ j’ai particuliиrement admirй les jardins suspendus qu’il a fait venir de Babylone а grands frais.

 






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