Студопедия

Главная страница Случайная страница

Разделы сайта

АвтомобилиАстрономияБиологияГеографияДом и садДругие языкиДругоеИнформатикаИсторияКультураЛитератураЛогикаМатематикаМедицинаМеталлургияМеханикаОбразованиеОхрана трудаПедагогикаПолитикаПравоПсихологияРелигияРиторикаСоциологияСпортСтроительствоТехнологияТуризмФизикаФилософияФинансыХимияЧерчениеЭкологияЭкономикаЭлектроника






La valse






Le col de pardessus relevй, mes mains dans les poches, j’allais par les rues brumeuses et froides en cet йtat d’abrutissement vague qui tend а devenir un йtat normal chez moi, depuis quelque temps.

 

Tout а coup je fus tirй de ma torpeur par une petite main finement gantйe qui s’avanзait vers moi, et une voix fraоche qui disait:

 

– Comment, te voilа, grande gouape!

 

Je levai les yeux.

 

La personne qui m’interpellait aussi familiиrement йtait une grosse, jeune, blonde, petite femme, jolie comme tout, mais que je ne connaissais aucunement.

 

– Je crains bien, madame, rйpondis-je poliment, de n’кtre point la grande gouape que vous croyez.

 

– Ah! par exemple, c’est trop fort!

 

Et elle me nomma.

 

– Comment, continua-t-elle, tu ne me reconnais pas? Je suis donc bien changйe! Voyons, regarde-moi bien.

 

– Aussi longtemps que vous voudrez, madame, car cette opйration n’a rien de dйplaisant pour moi.

 

– Tu n’as pas changй, toi… Tu ne te rappelles pas le Luxembourg?

 

– Lequel, madame? Le jardin ou le grand-duchй?

 

– Imbйcile!

 

J’avais beau la considйrer avec la plus vive attention, impossible de trouver un nom ou mкme de rattacher le moindre souvenir.

 

А la fin, elle eut pitiй de mon embarras.

 

– Nanette! dit-elle, en йclatant de rire.

 

– Comment, c’est toi, ma pauvre Nanette! Oh! combien engraissйe!

 

– Oui, je suis devenue un peu forte!

 

Je l’avais connue, voilа sept ou huit ans. C’йtait, а cette йpoque, une gamine йbouriffйe et toute menue. J’aurais pu, semblait-il, la fourrer dans la poche de mon ulster.

 

Apprentie dans je ne sais quel atelier de Montrouge, elle frйquentait plus assidыment le Luxembourg que sa boоte, et je ne me lassais pas d’admirer la longanimitй de ses patrons qui acceptaient bйnйvolement d’aussi longues et frйquentes disparitions.

 

Et gaie avec cela, et maligne!

 

Un beau jour, elle avait disparu sans crier gare, et je ne l’avais jamais revue.

 

J’йtais йmerveillй de la retrouver ainsi changйe, et surtout considйrablement augmentйe.

 

Je ne m’en cache pas, j’adore les jeunes femmes un peu fortes, mais je les prйfиre йnormes et voici la raison:

 

J’ai un faible pour la peau humaine lorsqu’elle est tendue sur le corps d’une jolie femme; or, j’ai remarquй que les grosses personnes offrent infiniment plus de peau que les maigres. Voilа.

 

Mon amie йtait dans ce cas, et tandis qu’elle me racontait son histoire et sa mйtamorphose, je l’enveloppais d’un regard gourmand et convoiteur.

 

Elle en avait а me raconter, depuis le temps!

 

D’abord, elle йtait tombйe amoureuse d’un jeune premier au Thйвtre national des Gobelins. Premier collage, oщ le confortable йtait abondamment remplacй par des volйes quotidiennes.

 

Un jour, la volйe fut bi-quotidienne. Alors Nanette, outrйe de ce procйdй inqualifiable, lвcha le cabotin et devint la maоtresse d’un jeune sculpteur de Montparnasse.

 

Pas de coups avec cet artiste, mais une purйe! Et tout le temps poser, tout le temps.

 

Heureusement qu’il vint une commande, un buste. Un jeune homme riche tenait а possйder ses traits en marbre.

 

Quand les traits furent terminйs, le jeune homme riche emporta son buste… et Nanette.

 

Entre nous, je crois que le buste n’йtait qu’une frime imaginйe par le jeune homme riche pour se rapprocher de l’objet de son amour.

 

Quoi qu’il en soit, Nanette prit un ascendant considйrable sur son nouvel amant et, comme elle le disait un peu modernement, elle le menait par le bi, par le bout, par le bi du bout du nez.

 

Tout de suite, avec lui, elle s’йtait mise а engraisser, enchantйe d’ailleurs.»Зa me donne un air sйrieux», affirmait-elle.

 

– Et ton amant, demandai-je, joli garзon?

 

– Superbe!

 

– Intelligent?

 

– Un vrai daim, mon cher! Imagine-toi…

 

Et elle me conta force anecdotes tendant toutes а dйmontrer la parfaite stupiditй du personnage.

 

– Et que fait-il?

 

– Rien, je te dis, il est riche. Pourtant, il a une prйtention: composer de la musique. As-tu un livret d’opйra а mettre en musique?

 

– Non, pas pour le moment.

 

– Ah! une idйe!

 

Elle frappa dans ses mains, en femme а qui il vient d’arriver une bonne idйe.

 

– Tu as du talent? fit -elle.

 

– Dans quel genre?

 

– Йcris les paroles d’une opйrette, apporte-les-lui. Зa ne sera jamais jouй, mais tu auras un prйtexte pour venir а la maison. Tu verras comme il est bкte!

 

Je n’eus garde, vous pensez bien, de manquer une si belle occasion. Je bвclai, le lendemain mкme, une вnerie qui ressemblait а une opйrette comme l’Oeil crevй ressemble au Syllabus, et j’apportai la chose а mon compositeur.

 

Nanette n’avait pas menti. Il йtait encore plus bкte que зa.

 

Il fut enchantй que j’eusse pensй а lui.

 

– Mais qui diable a pu vous parler de moi?

 

– C’est M. Saint-Saлns qui m’a donnй votre adresse!

 

– Saint-Saлns! mais je ne le connais pas!

 

– Eh bien, lui vous connaоt!

 

Nanette, qui se trouvait en peignoir, les cheveux sur le dos, plus jolie que jamais, se tenait les cфtes. (Je me serais volontiers chargй de cette opйration).

 

– Joue donc ta valse а monsieur, dit-elle.

 

Il se mit au piano et prйluda.

 

Silencieusement, Nanette m’indiqua la pendule. Je regardai l’heure: 10 h 15.

 

Il jouait sa valse avec une conviction vйritablement touchante. C’йtait une suite d’airs idiots, mille fois entendus. Mais quel feu dans l’exйcution!

 

Le monde extйrieur n’existait plus pour lui. Il se penchait, se relevait, se tortillait. La sueur ruisselait sur son front gйnial.

 

Nanette me regardait de son air le plus cocasse: «Crois-tu, hein!»

 

En effet, il fallait le voir pour le croire.

 

Je la contemplais goulыment. Crйdieu, qu’elle йtait jolie en peignoir!

 

La valse marchait toujours. Nous йtions assis а cфtй l’un de l’autre, sur un divan.

 

– А quoi penses-tu? fit -elle brusquement.

 

– Je suis en train de calculer la surface approximative de ton joli corps, et, divisant mentalement cette superficie par celle d’un baiser, je calcule combien de fois je pourrais t’embrasser sans t’embrasser а la mкme place!

 

– Et зa fait combien?

 

– C’est effrayant! … Tu ne le croirais pas.

 

La valse йtait finie. Il йtait 10 h 35. L’artiste s’йpongeait.

 

– Superbe, superbe, superbe!

 

– Seulement, ajouta Nanette, monsieur ne la trouve pas assez longue. Monsieur me faisait remarquer avec raison qu’aprиs le grand machin brillant, tu sais, ploum, ploum, ploum, pataploum, tu devrais reprendre la mйlodie, tu sais, tra la la la, tra la la la la!

 

– C’est votre avis, monsieur?

 

– Je crois que зa ferait mieux!

 

Je pris congй. Il йtait temps. J’allais mourir de rire.

 

Mais je revins le lendemain.

 

Mon compositeur йtait sorti. Ce fut Nanette qui me reзut, en peignoir, les cheveux sur le dos, comme la veille.

 

Le divan йtait lа-bas, large, tentant.

 

Je devins pressant.

 

Nanette se dйfendait mollement:

 

– Non, pas maintenant… Quand il sera lа!

 

–!!!!! …

 

– Oui, ce sera bien plus drфle… Pendant sa valse!

 






© 2023 :: MyLektsii.ru :: Мои Лекции
Все материалы представленные на сайте исключительно с целью ознакомления читателями и не преследуют коммерческих целей или нарушение авторских прав.
Копирование текстов разрешено только с указанием индексируемой ссылки на источник.