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UN CINÉASTE FRANÇAIS; RENÉ CLAIR






(né en 1898)...

... On peut mê me dire: trè sou tropfranç ais...

Lorsqu'on pense à lui, un adjectif surgit: impeccable. Impeccables les
pointes dures du faux col, la raie qui sé pare ses cheveux châ tains
soigneusement lissé s, sa courtoisie, l'ordre qui rè gne sur son bureau, la
forme des vingt-trois films qui constituent son œ uvre. Il é crit le ciné ma


comme La Fontaine é crit le franç ais, en phrases impitoyables, claires,
drô les et... impeccables.

Il fait aussi penser à ces plaques de verre dont on recouvre les bureaux.
On pose la main et on sursaute: c'est glacé. On renverse de l'encre: elle
glisse. On laisse tomber son stylo: il s'é pointe1 On veut soulever ce verre
transparent: il est trop lourd.

René Clair est inhumain et gai comme un poisson rouge qui vous ferait
de temps en temps un clin d'œ il du fond de son aquarium pour vous dire:

«Et si j'é tais un lé opard qui s'est fait la tê te d'un poisson rouge pour
vous mystifier?»

Tout ce qu'il dit, tout ce qu'il fait, procè de d'une intelligence fé roce
toujours en alerte, d'une habileté où il a atteint l'art suprê me: celui de la
camoufler.

Il est l'unique «ciné crivain» franç ais qui ait fait œ uvre humoristique.
Ses personnages se dé battent dans des situations tragi-comiques où
interviennent toujours leur esprit, parfois leur cœ ur, jamais le reste.

René Clair est le seul auteur qui, s'inspirant de la vieille lé gende de
Faust pour ré aliser La Beauté du Diable, a pratiquement supprimé
Marguerite.

«Voyons, disait-il un jour à Clouzot2 pendant qu'il pré parait le film,
Faust est un homme intelligent, mû r... C'est un savant, un cerveau remarqu-
able... Et vous vous figurez qu'il vendrait son â me au diable pour l'amour
d'une femme?» Allez, allez, Marguerite, rejoindre, dans l'ombre discrè te où
toujours il les confina, les hé roï nes gracieuses et vides de René Clair,
l'homme qui domine toutes les contingences" y compris celle autour de
laquelle on fait curieusement tant de bruit s les femmes (...).

Jeune premier exé crable, moustachu et affamé, roulant ses «grandes
mirettes4» pour trois mille francs par mois, au coin de.s é crans muets de
1922, en ces temps hé roï ques qu'il a retracé s dans Le Silence est d'or, il
devient un jour assistant de Jacques de Baroncelli5.

«Tiens, tiens, se dit-il, de ce cô té -ci de la camé ra6 c'est beaucoup plus
amusant.»

D'amusé il devient possé dé, et, pour tourner son premier petit film, il
choisit la vedette qu'il connaissait le mieux, celle dont il a si tendrement et
si souvent é clairé le visage: Paris.

«Tu es né à Belleville? Banlieusard!., dit-il à Maurice Chevalier, parce
que lui, il est né aux Halles.»

Paris qui dort... quelques centaines de mè tres de pellicule tourné s au
temps merveilleux où le ciné ma, mé tier d'artisan illuminé, se nourrissait de


foi plus que de millions Lorsqu'il commenç a son deuxiè me film, Entracte,
il é tait inconnu Ses amis, tout aussi inconnus, s'appelaient Henri Jeanson,
Marcel Achard Le' lendemain du soir où Entracte fut projeté, Pans
connaissait René Clair

Le film lui avait é té commandé par un mé cè ne sué dois, Rolf de Mare,
qui engloutissait royalement des millions au thé â tre des Champs-Elysé es
pour y monter des ballets Le peintre Francis Picabia et le compositeur Erik
Satie eurent l'idé e ré volutionnaire de faire projeter, pendant l'entracte de
leur ballet Relâ che, un petit film René Clair en fut chargé

Lorsqu'on vit, en 1924, sur un é cran, un corbillard7 chargé de couronnes
de pain traî né par un chameau, Achard8, Jeanson9 et Pierre Seize9 tenant les
cordons du poê le10, le chameau se mettant soudain à galoper, suivi au pas
de course par le cortè ge funè bre, il y eut un moment de stupeur indigné e
On cria au scandale C'est souvent ainsi que l'on crie au gé nie Ce vieux
monsieur en chapeau melon et col dur qui traverse depuis tous ses films et
qui fut toujours interpré té par son vieil ami Paul Oilivier, c'est le souvenir
d'Erik Satie, dont l'esprit é tait fait pour l'enchanter Satie dé clarait, par
exemple «Rien ne sert de refuser la Lé gion d'honneur (il faisait allusion
à Maurice Ravel) Encore faut-il ne pas l'avoir mé rité e» ()

Les Clair, toujours accompagné s d'un caniche adoré, «Bijou», et
rarement de leur grand fils Jean-Franç ois, photographe, font aujourd'hui
partie des cinq cents personnes qui se rencontrent à New York, se donnent
rendez-vous le lendemain à Pans, té lé phonent à Hollywood, sont à Rome
quand on les cherche à Londres ()

A Pans, ils habitent un grand appartement impeccable Lui
y rapporte parfois l'objet é tonnant qu'il a trouvé au marché aux puces" où
il se rend tous les samedis avec son ami le compositeur Georges Van Parys
()

Ce n'est ni un improvisateur ni un hé sitant Au dé but du parlant12, le
micro é tait une sorte d'animal sacré avec lequel l'ingé nieur du son
terrorisait les techniciens Ré solu à se dé faire de cette tyrannie, René Clair
plaç a un jour le micro là où il lui semblait bon, sans pré venir l'ingé nieur
On tourna

«Le son est bon7 demanda-t-il

— Excellent

— Bien Alors, à partir de maintenant, vous ne m'ennuierez plus»

Le montage des bandes sonores devenait affaire de spé cialistes René
Clair fit tourner un petit film à son assistant Georges Lacombe et s'attela
lui-mê me à en exé cuter le montage Pour comprendre, pour é liminer là


aussi la tyrannie du spé cialiste

C'est un homme dont on ne se moque pas, dont on ne sourit pas
L'ironie, c'est lui qui l'exerce aux dé pens des autres, et on l'imagine mal
tolé rant la moindre plaisanterie à son sujet

On le sent toujours conscient de lui-mê me, de son propre corps maigre
comme de son rô le dans la socié té, prompt à se blesser Qui sait ou les
complexes d'infé riorité vont parfois se cacher9

Avec ou sans collaborateui — il fait toujours le contraire de ce que ses
collaboiateuis lui pioposent — il a é crit le scé nano de tous ses films II
affirme que la mise en scè ne proprement dite s'apprend aisé ment et que sui
deux cents personnes choisies au hasard dans la rue, il se tait fort de
trouvei' et de former deux metteurs en scè ne Mais, selon lui, on ne forme
pas un scé nariste, on n'enseigne pas à avoir des idé es On peut seulement
apprendre ce qu'il ne faut pas fane et loisqu'on é crit par exemple «Elle
attendait tous les sons sous le ré verbè re», c'est une vue de l'esprit14 mais
pas une prise de vue

Inutile de lui envoyer des scé narios, il ne les lit pas, à moins qu'ils ne
soient ré digé s sur une page

II ne dit jamais de mal de ses confrè res, au contraire, et se plaî t à penser
qu'ils font preuve de la mê me tenue En quoi il a raison d'ailleurs il existe
entre les grands du ciné ma franç ais un climat de cordiale admiration
ré ciproque volontiers exprimé e Au fond de soi, chacun pense natuielle-
ment qu'il est le meilleur

Mais quand René Clan parle de ses tilms, il dit «Cette scè ne-la' Oui
C'é tait gentil»

Intelligent, trop intelligent pour tomber dans le piè ge de la vanité
Tellement intelligent'1'

FRANÇ OISE GIROUD vous presente le Tout Pâ tit, (1952)

Примечания

1 Кончик пера сломался 2 Французский кинематографист 3 Над всеми случай-
ностями 4 Ьольшие глаза гляделки (жаргонное выражение] 5 Французский ки-
нематографист 6 Со стороны оператора а не актера 7 Катафалк 8 Комедиограф
9 Журналист 10 Гробового покрова 11 Блошиный рынок на котором торгуют
подержанными вещами, барахолка 12 Те звуковое кино 13 Способен наши
14 Умозрительная идея не соотносящаяся с реальностью

Вопросы

* Superiorite et insuffisances de ce gé nie de talent Pouvez vous oppose) a un René
Clan tel ciné aste de votre сhois?


«FLUCTUAT NEC MEROITUR»

esprit d'une curiosité universelle, traducteur de Shakespeare, de Goethe, de
Joseph Conrad, de Rabindranath Tagore, auteur d'une •pé né trante é tude sur
Dostoiewski, ANDRÉ GIDE ne peut ê tre taxé de nationalisme é troit ou aveugle.
On n'en est que plus à l'aise pour lui confier le soin d'apporter, par un é loge
é quitable de la culture franç aise,
la note finale à cet ouvrage.

La grandeur, la valeur, le bienfait de notre culture franç aise, c'est qu'elle
n'est pas, si je puis dire, d'inté rê t local. Les mé thodes de pensé e, les vé rité s
qu'elle nous enseigne, ne sont pas particuliè rement lorraines1 et ne risquent
point, par consé quent, de se retourner contre nous lorsqu'adopté es2 par un
peuple voisin. Elles sont gé né rales, humaines, susceptibles de toucher les
peuples les plus divers; et comme, en elles, tout humain peut apprendre
à se connaî tre, peut se reconnaî tre et communier, elles travaillent non à la
division et à l'opposition, mais à la conciliation et. à l'entente.

Je me hâ te d'ajouter ceci, qui me paraî t d'une primordiale importance: la
litté rature franç aise, prise dans son ensemble, n'abonde point dans un seul
sens... (je songe au mot exquis de Mme de Sé vigné, qui disait d'elle-mê me:
«Je suis loin d'abonder dans mon sens», indiquant ainsi qu'elle gardait sur
elle-mê me et sur les entraî nements de sa sensibilité un jugement critique
sans complaisance). La pensé e franç aise, en tout temps de son dé veloppe-
ment, de son histoire, pré sente à notre attention un dialogue*; un dialogue
pathé tique et sans cesse repris, un dialogue digne entre tous d'occuper (car
en l'é coutant, l'on y participe) et notre esprit et notre cœ ur — et j'estime
que le jeune esprit soucieux de notre culture et dé sireux de se laisser
instruire par elle, j'estime que cet esprit serait faussé, s'il n'é coutait, ou
qu'on ne lui laissâ t entendre, que l'une des deux voix du dialogue: un
dialogue non point entre une droite et une gauche politiques, mais bien
plus profond et vital, entre la tradition sé culaire, la soumission aux
autorité s reconnues, et la libre pensé e, l'esprit de doute, d'examen, qui
travaille à la lente et progressive é mancipation de l'individu. Nous le
voyons se dessiner dé jà dans la lutte entre Abé lard3 et l'Eglise — laquelle,
il va sans dire, triomphe toujours, mais en reculant et ré é difiant chaque fois
ses positions fort en deç à de ses lignes premiè res. Le dialogue reprend avec
Pascal contre Montaigne. Il n'y a pas d'é change de propos entre eux,
puisque Montaigne est mort lorsque Pascal commence à parler; mais c'est
pourtant à lui qu'il s'adresse — et pas seulement dans l'illustre entretien
avec M. de Sacy. C'est aux Essais de Montaigne que le livre des Pensé es
s'oppose, et contre lequel, pourrait-on dire, il s'appuie. «Le sot projet qu'il
eut de se peindre», dit-il de Montaigne, sans pressentir que les passages des
Pensé es où lui-mê me, Pascal, se peint et se livre, avec son angoisse et ses


doutes, nous touchent aujourd'hui bien plus que l'exposé de sa
dogmatique4. Et de mê me ce que nous admirons en Bossuet, ce n'est pas le
thé ologien dé suet, c'est l'art parfait de sa langue admirable, qui en fait un
des plus magnifiques é crivains de notre litté rature: l'art sans lequel on ne le
lirait plus guè re aujourd'hui. Cette forme, que lui-mê me estimait profane,
c'est cette forme grâ ce à laquelle il survit.

Dialogue sans cesse repris à travers les â ges et plus ou moins dissimulé
du cô té de la libre pensé e, par prudence, cette «prudence des serpents»,
comme dit l'Ecriture, car le dé mon tentateur et é mancipateur de l'esprit
parle de pré fé rence à demi-voix; il insinue, tandis que le croyant proclame,
et Descartes prend pour devise larvatiis prodeo, «je m'avance masqué» —
ou mieux, c'est sous un masque que j'avance.

Et parfois l'une des deux voix l'emporte: au XVIIIe siè cle, c'est celle de
la libre pensé e, plus masqué e5 du tout. Elle l'emporte au point d'entraî ner,
comme né cessairement, un dé solant tarissement du lyrisme. Mais
l'é quilibre du dialogue, en France, n'est jamais bien longtemps rompu.
Avec Chateaubriand et Lamartine, le sentiment religieux, source du
lyrisme, resurgit magnifiquement. C'est le grand flot du romantisme. Et, si
Michelet et Hugo s'é lè vent contre l'Eglise et les Eglises, c'est encore avec
un profond sentiment religieux.

Roulant de l'un à l'autre bord, le vaisseau de la culture franç aise
s'avance et poursuit sa route hardie, fluctuai né e mergilur 6 — il vogue et
ne sera pas submergé. 11 risquerait de l'ê tre, il le serait, du jour où l'un des
deux interlocuteurs du dialogue l'emporterait dé finitivement sur l'autre et le
ré duirait au silence, du jour où le navire verserait ou s'inclinerait tout d'un
cô té. De nos jours, nous assistons à une prodigieuse é closion d'é crivains
catholiques: aprè s Huysmans et Lé on Bloy7 Jammes, Pé guy, Claudel,
Mauriac, Gabriel Marcel8, Bernanos, Maritain9... Mais sans parler d'un
Proust ou d'un Suarè s, le massif et iné branlable Paul Valé ry suffirait à les
balancer. Jamais l'esprit critique ne s'é tait plus magistralement exercé sur
les problè mes les plus divers et n'avait mieux su se prouver cré ateur. Or, je
me souviens du mot d'Oscar Wilde: «L'imagination imite; c'est l'esprit
critique qui cré e», mot qui pourrait ê tre de Baudelaire et que chaque artiste
aurait profit à mé diter. (Il ne s'agit pas, il va sans dire, de la critique
d'autrui, mais de soi-mê me.) Car, parmi les multiples phantasmes10 que
l'imagination dé sordonné ment1 ' nous propose, l'esprit critique doit choisir.
Tout dessin implique un choix — et c'est une é cole de dessin que j'admire
surtout en la France*...

ANDRÉ GIDE. I-'euillets d'Automne (1949)


Примечания:

\. Намек на Мориса Барреса, писателя, по происхождению лотарингца, востор-
женно прославлявшего Лотарингию. 2. Lorsqu'elles sont adopté es. 3. Французский тео-
лог (1079 -1142), известный своей любовью к Элоизе. Его идеи были сочтены слиш-
ком дерзкими и осуждены церковью. 4. Раздел теологии, изучающий догмы. 5. Qui
n'est plus masqué e. 6.Девиз Парижа: " Качается (па волнах), но не гонет" (лат.) 1. Ка-
толический писатель, автор многочисленных романов и памфлетов. 8 Современный
философ и драматург, один из главнейших представителей христианского экзистен-
циализма. 9. Современный философ-томист. 10. Видения, порождаемые воображени-
ем при некоторых психических заболеваниях. 11. Expression vieillie = d'une faç on
dé sordonné e.

Вопросы:

* Illustrez, à {'aide d'exemples tiré s (lu chapitre iig. Pensé e franç aise, ce terme d'André
Gide.

* Expliquez cette expression un peu curieuse critique trè s pé né trant? Celte page ne
rê vile-t-elle pai, en Gide, un critique trè s pé né trant?


XVIII. Новые голоса







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