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Une condamnation a mort






L'ORGANISATION de la Justice en France est extrê mement complexe. Disons
seulement qu'elle est é tagé e -proportionnellement à l'importance de la chose
jugé e: ainsi, pour ne parler que de la justice pé nale, les tribunaux de simple
police sanctionnent les dé lits de peu de gravité; les tribunaux correctionnels,
eux, connaissent de fautes plus lourdes
telles que le vol, ou l'escroquerie:
aux Cours d'Assises reviennent les procè s criminels. Mais il faudrait ajouter à
cette classification sommaire au moins les Cours d'Appel et la Cour de
Cassation. Et aussi ces tribunaux administratifs, que sont, entre autres, les
Conseils de Pré fecture et le Conseil d'É tat.

Il ne manque point, dans la litté rature franç aise, de pages consacré es a la
peinture du inonde judiciaire. L'une des plus fortes qui aient é té é crites
m
derniè res anné es est celle que l'on rencontre dans L'É tranger, sous la plume
incisive d'ALBERT CAMUS.

Pour avoir commis un meurtre, Meursau.lt a é té jeté en prison. Le voici traduit
en jugement. Dé jà le procureur de la Ké publique a demandé qu'il fû t condamné à
mort; l'avocat de la dé fense a pris alors la parole et s'eft engagé dans une longue
plaidoirie.

A la fin, je me souviens seulement que, de la rue et à travers tout
l'espace des salles et des pré toires1, pendant que mon avocat continuait à
parler, la trompette d'un marchand de crè me a ré sonné jusqu'à moi. J'ai é té
assailli des souvenirs d'une vie qui ne m'appartenait plus, mais où j'avais
trouvé les plus pauvres et les plus tenaces de mes joies: des odeurs d'é té.


le quartier que j'aimais, un certain ciel du soir, le rire et les robes de
Marie2. Tout ce que je faisais d'inutile en ce lieu m'est alors remonté à la
gorge et je n'ai eu qu'une hâ te, c'est qu'on en finisse et que je retrouve ma
cellule avec le sommeil. C'est à peine si j'ai entendu mon avocat s'é crier,
pour finir, que les juré s ne voudraient pas envoyer à la mort un travailleur
honnê te perdu par une minute d'é garement, et demander les circonstances
atté nuantes pour un crime dont je traî nais dé jà comme le plus sû r de mes
châ timents, le remords é ternel3. La cour a suspendu l'audience et l'avocat
s'est rassis d'un air é puisé. Mais ses collè gues sont venus vers lui pour lui
ferrer la main. J'ai entendu: «Magnifique, mon cher.» L'un d'eux m'a mê me
pris à té moin: «Hein?» m'a-t-il dit. J'ai acquiescé, mais mon compliment
n'é tait pas sincè re parce que j'é tais trop fatigué.

Pourtant, l'heure dé clinait au-dehors et la chaleur é tait moins forte. Aux
quelques bruits de la rue que j'entendais, je devinais la douceur du soir,
plous é tions là, tous, à attendre. Et ce qu'ensemble nous attendions ne
concernait en ré alité que moi. J'ai encore regardé la salle. Tout é tait dans le
mê me é tat que le premier jour. J'ai rencontré le regard du journaliste à la
veste grise et de la femme automate. Cela m'a donné à penser que je n'avais
pas cherché Marie du regard pendant tout le procè s. Je ne l'avais pas
publié e, mais j'avais trop à faire. Je l'ai vue entre Cé leste et Raymond4. Elle
m'a fait un petit signe comme si elle disait: «Enfin», et j'ai vu son visage un
peu anxieux qui souriait. Mais je sentais mon cœ ur fermé et je n'ai mê me
pas pu ré pondre à son sourire.

La cour est revenue. Trè s vite on a lu aux juré s une sé rie de questions.
J'ai entendu «coupable de meurtre»... «provocation»... «circonstances
atté nuantes». Les juré s sont sortis et l'on m'a emmené dans la petite piè ce
où j'avais dé jà attendu. Mon avocat est venu me rejoindre: il é tait trè s
volubile et m'a parlé avec plus de confiance et de cordialité qu'il ne l'avait
jamais fait. Il pensait que tout irait bien et que je m'en tirerais avec
quelques anné es de prison ou de bagne. Je lui ai demandé s'il y avait des
chances de cassation5 en cas de jugement dé favorable. Il m'a dit que non.
Sa tactique avait é té de ne pas dé poser de conclusions6 pour ne pas
indisposer le jury. Il m'a expliqué qu'on ne cassait pas un jugement, comme
cela, pour rien. Cela m'a paru é vident et je me suis rendu à ses raisons.
A considé rer froidement la chose, c'é tait tout à fait naturel. Dans le cas
contraire, il y aurait trop de paperasses inutiles. «De toute faç on, m'a dit
mon avocat, il y a le pourvoi7. Mais je suis persuadé que l'issue sera
favorable*»

Nous avons attendu trè s longtemps, prè s de trois quarts d'heure, je crois.


Au bout de ce temps, une sonnerie a retenti. Mon avocat m'a quitté en
disant: «Le pré sident du jury va lire les ré ponses. On ne vous fera entrer
que pour l'é noncé du jugement.» Des portes ont claqué. Des gens couraient
dans les escaliers dont je ne savais pas s'ils é taient proches ou é loigné s.
Puis j'ai entendu une voix sourde lire quelque chose dans la salle. Quand la
sonnerie a encore retenti, que la porte du box s'est ouverte, c'est le silence
de la salle qui est monté vers moi, le silence et cette singuliè re sensation
que j'ai eue lorsque j'ai constaté que le jeune journaliste avait dé tourné ses
yeux. Je n'ai pas regardé du cô té de Marie. Je n'en ai pas eu le temps parce
que le pré sident m'a dit dans une forme bizarre que j'aurais la tê te tranché e
sur une place publique au nom du peuple franç ais**. Il m'a semblé alors
reconnaî tre le sentiment que je lisais sur tous les visages. Je crois bien que
c'é tait de la considé ration. Les gendarmes é taient trè s doux avec moi.
L'avocat a posé sa main sur mon poignet. Je ne pensais plus à rien. Mais le
pré sident m'a demandé si je n'avais rien à ajouter. J'ai ré flé chi. J'ai dit:
«Non.» C'est alors qu'on m'a emmené ***.

ALBERT CAMUS. L'É tranger (1942).
Примечания:

1. Залы, помещения суда. 2 Имя женщины, которую он любит 3 Слова адвоката
4. Друзья обвиняемого. 5. На кассацию, т.е. отмену приговора. 6. Ходатайства, сфор-
мулированные защитником и обращенные к судьям. В защитительной же речи адво-
кат обращается к присяжным. 7. Обжалование приговора, т.е. жалоба, обращенная к
высшей судебной инстанции, на решение, принятое судом низшей инстанции.

Вопросы:

* Que pensez-vous de l'attitude de 7'avocat? En quoi consiste /'ironie de l'é crivain '

** La peine de mort vous paraî t-elle ou non justifiable?

*** É tudiez le comportement de Meuvsault lors de la scè ne du meurtre et lors de sa
condamnation. Montrez en quoi ce personnage mé rite bien le nom
d'Etranger, que 1ш а
donné Albert Camus. — É tudiez le
style de ce morceau. Le trouvez-vous affecté ou naturel


X. Трудовая Франция

Да, Франция - - страна " радостей жизни", но не нужно думать,
будто она озабочена лишь тонкой кухней и тонкими винами. Париж
является не только городом домов " высокой моды" и " Фоли-Бержер",
и точно так же не следует составлять себе мнения о Франции по тем
милым и немногочисленным южанам, что проводят свое время за иг-
рой в шары и дегустацией аперитивов в приятной прохладе. Нет, как и
люди во всем мире, огромное большинство французов заняты тем, что
тяжелым трудом зарабатывают себе на жизнь, отстаивают свои соци-
альные права, и многие события истории Франции свидетельствуют,
что им не удается обойтись без борьбы за них.

Один из наших авторитетнейших экономистов сказал о современ-
ной Франции, что " несмотря уже на целое столетие индустриального
развития, она, по существу, остается нацией крестьян, ремесленников
и буржуа". Почему " крестьян", понятно само собой: земля во Фран-
ции, как правило, плодородна и обеспечивает тем, кто работает на ней
(кстати, больше половины из них являются владельцами земли, кото-
рую они обрабатывают), вполне достаточные средства существования.
'Ремесленников" - поскольку такое положение сложилось уже из-
давна. Оно обусловлено индивидуалистическим характером француза
и большим количеством на территории страны селений и деревень,
Жителям которых необходимы были портные, столяры, каменщики,
кузнецы, механики. Наконец, " буржуа" - под этим несколько туман-
ным определением подразумевается часть нации, объединяющая хо-
зяев, служащих, высококвалифицированных административных и ин-
женерно-технических работников, чиновников, торговцев и, разуме-
ется, всех представителей свободных профессий.

Но если мы добавим к этим соображениям, что Франция - - это

страна, обладающая весьма динамично развивающейся промышлей-

ностью, что на ее заводах ежегодно выпускаются сотни тысяч автомо-

билей, то нетрудно будет прийти к заключению, что миллионы фран-

цузов — рабочие.

Из такого разделения на четыре основных слоя, которые зачастую


пересекаются и взаимно проникают друг в друга, следует, что Фран-
ция представляет собой надежно сбалансированную нацию: крестьян-
ство и пролетариат уравновешивают друг друга; ремесленники, не-
смотря на уменьшение их численности вследствие конкуренции про-
мышленности, все еще достаточно жизнеспособны, а буржуазия, не-
взирая на прогрессирующее обеднение некоторых ее элементов, по-
прежнему остается многочисленной и процветающей. Впрочем, дос-
таточно обратиться к литературе последних восьми десятилетий, по
духу, в большинстве, буржуазной, хотя и не столь замкнутой, как ли-
тература классическая, в своем исследовании благородных характе-
ров, чтобы удостовериться, что внимание крупных писателей привле-
кали представители всех профессий и всех социальных классов.







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