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Emile a quinze ans






Reprenant et dé veloppant le principe de Montaigne, que le pré cepteur doit se
conformer au train naturel de l'enfant et non lui imposer le sien, ROUSSEAU
a longuement exposé dans son Emile les principes d'une é ducation pratique,
conforme à la psychologie, conforme aux exigences de la nature.

Emile a peu de connaissances, mais celles qu'il a sont vé ritablement
siennes, il ne sait rien à demi. Dans le petit nombre des choses qu'il sait et
qu'il sait bien, la plus importante est qu'il y en a beaucoup qu'il ignore et
qu'il peut savoir un jour; beaucoup plus, que d'autres hommes savent et
qu'il ne saura de sa vie; et une infinité d'autres qu'aucun homme ne saura
jamais. II a un esprit universel, non par les lumiè res, mais par la faculté
d'en acqué rir*; un esprit ouvert, intelligent, prê t à tout, et, comme dit
Montaigne, sinon instruit, du moins instruisable. Il me suffit qu'il sache
trouver l'a quoi bon sur tout ce qu'il fait, et le pourquoi sur tout ce qu'il

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croit. Encore une fois, mon objet n'est point de lui donner la science, mais
de lui apprendre à l'acqué rir au besoin, de la lui faire estimer exactement ce
qu'elle vaut, et de lui faire aimer la vé rité par-dessus tout. Avec cette
mé thode on avance peu, mais on ne fait jamais un pas inutile, et l'on n'est
point forcé de ré trograder.

Emile n'a que des connaissances naturelles et purement physiques. Il ne
sait pas mê me le nom de l'histoire, ni ce que c'est que mé taphysique et
morale. Il connaî t les rapports essentiels de l'homme aux choses, mais nul
des rapports moraux de l'homme à l'homme. Il sait peu gé né raliser d'idé es,
peu faire d'abstractions. Il voit des qualité s communes à certains corps sans
raisonner sur ces qualité s en elles-mê mes. 11 connaî t l'é tendue abstraite
à l'aide des figures de la gé omé trie; il connaî t la quantité abstraite à l'aide
des signes de l'algè bre. Ces figures et ces signes sont les supports de ces
abstractions, sur lesquels ses sens se reposent. Il ne cherche point
à connaî tre les choses par leur nature, mais seulement parles relations qui
l'inté ressent. Il n'estime ce qui lui est é tranger que par rapport à lui; mais
cette estimation est exacte et sû re. La fantaisie, la convention n'y entrent
pour rien. Il fait plus de cas de ce qui lui est plus utile; et, ne se dé partant
jamais de cette maniè re d'appré cier, il ne donne rien à l'opinion.

Il se considè re sans é gard aux autres, et trouve bon que les autres ne
pensent point à lui. Il n'exige rien de personne, et ne croit rien devoir
à personne. Il est seul dans la socié té humaine, il ne compte que sur lui
seul. Il a droit aussi plus qu'un autre de compter sur lui-mê me, car il est
tout ce qu'on peut ê tre à son â ge. Il n'a point d'erreurs, ou n'a que celles qui
nous sont iné vitables; il n'a point de vices, ou n'a que ceux dont nul homme
ne peut se garantir. Il a le corps sain, les membres agiles, l'esprit juste et
sans pré jugé s, le cœ ur libre et sans passions. L'amour-propre, la premiè re
et la plus naturelle de toutes, y est encore à peine exalté. Sans troubler le
repos de personne, il a vé cu content, heureux et libre, autant que la nature
l'a permis. Trouvez-vous qu'un enfant ainsi parvenu à sa quinziè me anné e
ait perdu les pré cé dentes**?

Emile (1762). Livre III.

Вопросы: '

* Formule trè s heureuse. Montrez-le.

** Estimez-vous que ce portrait d'Emile à quinze ans soit en tous points satisfaisant?
Queues qualité s manquent à ce jeune homme? Montrez que Rousseau, partant d'un principe
juste /une é ducation particuliè re à chaque â ge), recommande une é ducation non seulement
progressive, mais (a tort sans doute) fragmenté e.


LE RETOUR DU GRAND MEAULNES

D'image plus exacte de l'enseignement frimaire (ou du premier degré), on n'en
trouvera point ailleurs que dans ces é coles de campagne où, le 'plus souvent.
un seul maî tre doit faire la classe simultané ment à des enfants dont l'â ge varie
de six à quatorze ans. Et il faut, comme ALAIN-FOURNIER (1886-1914), y avoir
é té é lè ve soi-mê me, pour ê tre capable d'en traduire la vie si particuliè re et
parfois, si mouvementé e.

Le narrateur, fils de l'instituteur M. Seurel, s'est lié avec un é lè ve, le grand Meaulnes,
qui a fait une fugue. Dè s lors, il attend avec impatience, comme tous ses camarades, le
retour du fugitif tarti depuis dé jà trois jours.

Le quatriè me jour fut un des plus froids de cet hiver-là. De grand matin,
les premiers arrivé s dans la cour se ré chauffaient en glissant1 autour du
puits. Ils attendaient que le poê le fû t allumé dans l'é cole pour s'y pré cipiter.

Derriè re le portail, nous é tions plusieurs à guetter la venue des gars de
la campagne. Ils arrivaient tout é blouis encore d'avoir traversé des
paysages de givre, d'avoir vu les é tangs glacé s, les taillis où les liè vres
dé talent... Il y avait dans leurs blouses un goû t de foin et d'é curie qui
alourdissait l'air de la classe, quand ils se pressaient autour du poê le rouge.
Et ce matin-là, l'un d'eux avait apporté dans un panier un é cureuil gelé qu'il
avait dé couvert en route. Il essayait, je me souviens, d'accrocher par ses
griffes, au poteau du pré au2, la longue bê te raidie*...

Puis la pesante classe d'hiver commenç a...

Un coup brusque au carreau nous fit lever la tê te. Dressé contre la porte,
nous aperç û mes le grand Meaulnes secouant avant d'entrer le givre de sa
blouse, la tê te haute et comme é bloui!

Les deux é lè ves du banc le plus rapproché de la porte se pré cipitè rent
pour l'ouvrir: il y eut à l'entré e comme un vague conciliabule, que nous
n'entendî mes pas, et le fugitif se dé cida enfin à pé né trer dans l'é cole.

Cette bouffé e d'air frais venue de la cour dé serte, les brindilles de paille
qu'on voyait accroché es aux habits du grand Meaulnes, et surtout son air de
voyageur fatigué, affamé, mais é merveillé, tout cela fit passer en nous un
é trange sentiment de plaisir et de curiosité.

M. Seurel é tait descendu du petit bureau à deux marches où il é tait en
train de nous faire la dicté e; et Meaulnes marchait vers lui d'un air agressif.
Je me rappelle combien je le trouvai beau, à cet instant, le grand
compagnon, malgré son air é puisé et ses yeux rougis par les nuits passé es
au-dehors, sans doute.

Il s'avanç a jusqu'à la chaire et dit, du ton trè s assuré de quelqu'un qui


rapporte un renseignement:
«Je suis rentré, monsieur.

— Je le vois bien, ré pondit M. Seurel, en le considé rant avec curiosité...
Allez vous asseoir à votre place.»

Le gars se retourna vers nous, le dos un peu courbé, souriant d'un air
moqueur comme font les grands é lè ves indiscipliné s lorsqu'ils sont punis,
et, saisissant d'une main le bout de la table, il se laissa glisser sur son banc.

«Vous allez prendre un livre que je vais vous indiquer, dit le maî tre —
toutes les tê tes é taient alors tourné es vers Meaulnes —, pendant que vos
camarades finiront la dicté e.»

Et la classe reprit comme auparavant. De temps à autre le grand
Meaulnes se tournait de mon cô té, puis il regardait par les fenê tres, d'où
l'on apercevait le jardin blanc, cotonneux, immobile, et les champs dé serts,
où parfois descendait un corbeau. Dans la classe, la chaleur é tait lourde,
auprè s du poê le rougi. Mon camarade, la tê te dans les mains, s'accouda
pour lire: à deux reprises je vis ses paupiè res se fermer et je crus qu'il allait
s'endormir.

«Je voudrais aller me coucher, monsieur, dit-il enfin, en levant le bras
à demi. Voici trois nuits que je ne dors pas.

— Allez!» dit M. Seurel, dé sireux surtout d'é viter un incident. Toutes
les tê tes levé es, toutes les plumes en l'air, à regret nous le regardâ mes
partir, avec sa blouse fripé e dans le dos et ses souliers terreux.

Que la matiné e fut lente à traverser! Aux approches de midi, nous
entendî mes là -haut, dans la mansarde3, le voyageur s'apprê ter pour
descendre. Au dé jeuner, je le retrouvai assis devant le feu, pendant qu'aux
douze coups de l'horloge, les grands é lè ves et les gamins, é parpillé s dans la
cour neigeuse, filaient comme des ombres devant la porte de la salle
à manger.

De ce dé jeuner, je ne me rappelle qu'un grand silence et qu'une grande
gê ne. Tout é tait glacé. (...) Enfin, le dessert terminé, nous pû mes tous les
deux bondir dans la cour. Cour d'é cole,, aprè s midi, où les sabots avaient
enlevé la neige..., cour noircie où le dé gel faisait dé goutter les toits du
pré au..., cour pleine de jeux et de cris perç ants! Meaulnes et moi, nous
longeâ mes en courant les bâ timents. Dé jà deux ou trois de nos amis du
bourg laissaient la partie et accouraient vers nous en criant de joie, faisant
gicler la boue sous leurs sabots, les mains aux poches, le cache-nez
dé roulé. Mais mon compagnon se pré cipita dans la grande salle, où je le
suivis, et referma la porte vitré e juste à temps pour supporter l'assaut de
ceux qui nous poursuivaient. (...)


Dans la classe qui sentait les châ taignes et la piquette4 il n'y avait que
deux balayeurs, qui. dé plaç aient les tables. Je m'approchai du poê le pour
m'y chauffer paresseusement en attendant la rentré e, tandis qu'Augustin
Meaulnes cherchait dans le bureau du maî tre et dans les pupitres. Il
dé couvrit bientô t un petit atlas, qu'il se mit à é tudier avec passion, debout
sur l'estrade, les coudes sur le bureau, la tê te entre les mains.

Je me disposais à aller prè s de lui; je lui aurais mis la main sur l'é paule et
nous aurions sans doute suivi ensemble sur la carte le trajet qu'il avait fait,
lorsque soudain la porte de communication avec la petite classe s'ouvrit toute
battante sous une violente poussé e, et Jasmin Delouche, suivi d'un gars du
bourg et de trois autres de la campagne, surgit avec un cri de triomphe. (...)

A son entré e, Meaulnes leva la tê te et, les sourcils froncé s, cria aux gars
qui se pré cipitaient sur le poê le, en se bousculant:

«On ne peut donc pas ê tre tranquille une minute, ici!

— Si tu n'es pas content, il fallait rester où tu é tais», ré pondit, sans lever
la tê te, Jasmin Delouche qui se sentait appuyé par ses compagnons. (...)

Mais dé jà Meaulnes é tait sur lui. Il y eut d'abord une bousculade; les
manches des blouses craquè rent et se dé cousirent. Seul, Martin, un des gars
de la campagne entré s avec Jasmin, s'interposa:

«Tu vas le laisser!» dit-il, les narines gonflé es, secouant la tê te comme
un bé lier.

D'une poussé e violente, Meaulnes le jeta, titubant, les bras ouverts, au
milieu de la classe; puis, saisissant d'une main Delouche par le cou, de
l'autre ouvrant la porte, il tenta de le jeter dehors. Jasmin s'agrippait aux
tables et tramait les pieds sur les dalles, faisant crisser ses souliers ferré s,
tandis que Martin, ayant repris son é quilibre, revenait à pas compté s, la tê te
en avant, furieux. Meaulnes lâ cha Delouche pour se colleter5 avec cet
imbé cile et il allait peut-ê tre se trouver en mauvaise posture, lorsque la
porte des appartements s'ouvrit à demi. M. Seurel parut, la tê te tourné e vers
la cuisine, terminant, avant d'entrer, une conversation avec quelqu'un...

Aussitô t la bataille s'arrê ta. Les uns se rangè rent autour du poê le, la tê te
basse, ayant é vité jusqu'au bout de prendre parti. Meaulnes s'assit à sa
place, le haut de ses manches dé cousu et dé froncé 6. Quant à Jasmin, tout
congestionné, on l'entendit crier durant les quelques secondes qui
Pré cé dè rent le coup de rè gle du dé but de la classe:

«Il ne peut plus rien supporter maintenant. Il fait le malin. Il s'imagine
Peut-ê tre qu'on ne sait pas où il a é té.

— Imbé cile! Je ne le sais pas moi-mê me», ré pondit Meaulnes, dans le
silence dé jà grand.


Puis, haussant les é paules, la tê te dans les mains, il se mit à apprend i
ses leç ons**.

ALAIN-FOURNIER. Le Grand Meaulnes (1913).
Примечания:

1. На льду. 2. Крытая галерея, где ученики укрывались на перемене от дождя
3. Мансарда, комната на чердаке. 4. Кислое вино низкого качества либо изготовленное
из виноградных выжимок. 5. Схватить за шиворот, вступить в драку. 6. Утратившие
сборки, складки.

Вопросы:

* É tudiez les é lé ments poé tiques contenus dans ce paragraphe.

** Quelle idé e peut-on se faire de 7'atmospllè re qui ré gne dans une é cole de campagne
d'aprè s ce passage?
Montrez ce qu'il y a de vivant dans le parler des é lè ves.






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