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BLESSÉS EN 14-18






Les soldats de 14-18, c'est Georges Duhamel, dans un livre resté justement
cé lè bre, qui les a appelé s des Martyrs. Et le mot n'est pas trop fort pour
dé signer ceux qui subirent dans les tranché es une interminable passion de
cinquante-deux mois.

Pourtant, mê me aux pires moments de cette guerre, il subsistait des lueurs
d'espoir, comme le montre PAUL VIALAR, dans ce dialogue de deux soldats qui
viennent d'ê tre blessé s sur le champ de bataille.

Une grande lassitude s'est emparé e de moi. Non, non, il ne fallait pas
que je me laisse aller, que je me laisse aller:
«Si on essayait..., ai-je dit.

— Quoi?

— De s'en aller.

— On peut pas1 marcher.»

Une affreuse amertume m'est monté e à la bouche: «Ah! ai-je fait, les
dents serré es, ç a nous a bien foutus2 par terre, cette guerre tout de mê me!
Tu vivais par terre, tu mangeaisparterre, tudormaisparterre... pour un coup
qu'tu te mets debout, on te rappelle à l'ordre: tu vas crever par terre!»
Alors, il a é té pris d'une rage froide: «D'abord on crè vera pas", ç a non,
j'veux pas, a-t-il fait avec violence entre ses dents serré es. Dis comme moi,
dis qu'on crè vera pas...

— Faut pas, non, faut pas, ai-je ré pé té pour m'en convaincre. —
J'pourrais p'fê tre4 essayer de te tirer?

— Où irait-on?

— Je ne sais pas, mais on s'en irait, voilà! Ah! a-t-il fait dans un grand
soupir horrible, ç a m'refait mal! J'avais plus mal, pendant un instant
J'croyais qu'j 'é tais gué ri!


— C'est comme la guerre, ai-je dit, tu t'trouves en permission, c'est plus
la guerre... et tu crois qu'fes gué ri!»

Le lourd silence est retombé sur nous. J'ai pensé à ce que je venais de
dire, aux jours d'où je sortais, cela m'a raccroché à un espoir, j'ai dit: «On
oublie vite, tout de mê me!»

Mais j'ai entendu la voix de «la Volige»5 qui me ré pondait:

«Jamais, non, jamais ç a n'sera possible d'oublier ç a!

— Pourquoi? ai-je dit, si on se souvenait toujours, on ne dormirait plus
jamais*»

De penser qu'on aurait au moins le sommeil, ç a a dû lui redonner une
vision d'espoir, à «la Volige»:

«Tiens, a-t-il fait, j'vas6 t'dire c'qui va s'passer: on va rester encore un
peu ici, jusqu'à c'qu'on nous trouve, et pis, vers le matin, on va voir des
gars s'amener7 sur le bled8, ç a sera les brancos...

— Oh! oui, ai-je fait, illuminé, ç a sera eux... les brancardiers....

— Oui... Y9 nous prendront sur leur sommier à creux et pis10 «en route»...
en route... chaise à porteurs....

— Et puis le poste de secours....

— Les autos....

— Le train....

— L'train qui fume... et les p'tites dames qui viennent aux stations:
«Encore un peu à boire, militaire?..»
On s'excitait l'un l'autre, on se montait:
«Et puis l'hô pital....

— Avec des lits....

— Des lits avec des draps....

— Des vrais lits, quoi!»

Il disait ç a, «la Volige», dans une sorte de sanglot de joie, dé jà il se
croyait sauvé. Il m'a saisi l'é paule, m'a secoué comme si je n'avais pas é té
blessé. Et il ré pé tait:

«Ah! Lamaud... mon vieux Larnaud!..» Mais soudain il s'est tu; puis,
tout à coup, dé grisé, il a dit: «(...) Via mon pied qui m'refait mal!» Aprè s
ç a, trè s longtemps, on est resté sans parler, on avait le cœ ur trop gros".

Ce n'est que beaucoup plus tard dans la nuit qu'il a repris, «la Volige»:

«C'quI2est terrible, c'est d'ê tre là, cloué, et de n'pouvoir rien faire.

— Oui, ai-je ré pondu; sous le barrage13, encore, tu te baisses, tu te
relè ves; tu te dé fends... mais ici...»

Alors il a dit ces mots naï fs, atroces:

«Faut vraiment avoir l'habitude de vivre pour pas s'iaisser mourir!»


Sur le moment, seul le mot «vivre» m'a frappé. Je m'y suis raccroché
comme à une boué e:

«Vivre!»... Dis donc, «la Volige», on vivra peut-ê tre encore!

— Mais oui, mon gros, a-t-il fait comme un peu honteux de sa
dé faillance.

— C'est quelque chose, ai-je dit sentencieusement, de se dire ç a, de se
dire qu'on n'est pas tout à fait mort encore.... Quand on pense qu'il y a des
villes —j'en venais —où il y a des tramways... des mé tros....

— Des types qui achè tent leur journal...*»
Soudain il m'a demandé:

«De quoi qu't'as14 l'plus envie?»

Ah! je le savais, de quoi j'avais le plus envie! Surtout, avant tout, de ne
plus ê tre tout seul, de ne plus vivre seul, d'avoir une femme, une vraie,
à moi... un amour. Lui, il a dit, sans me laisser le temps de ré pondre:

«Moi... c'est d'un bifteck aux pommes15... J'voudrais, comme ç a, entrer
dans un p'tit restaurant qu'j'aurais choisi, un vrai, avec desp'tits rideaux, des
p'tites lampes, des p'tites tables... et pouvoir commander: «Garç on, un
bifteck «bien saisi... avec des pommes...»

— Doré es...

— Paille16, a-t-il fait comme s'il en avait dé jà plein la bouche.

 

— Moi, ai-je repris, j'aurai peut-ê tre plus droit à tout ç a avec mon
ventre17.

— Mais si, a dit «la Volige», c'est pas une maladie qu' t'as, c'est une
blessure.

— C'est plus mauvais.

— Non, a-t-il fait, une blessure c'est... c'est naturel.»

Alors, naï vement, je me suis laissé aller à lui confier ce que j'avais sur
le cœ ur; je savais bien que nous en é tions à un moment où il comprenait:

«Ce que je voudrais, vois-tu, «la Volige», ç a serait d'avoir quelqu'un qui
compte pour moi.

— Une femme?

— Voilà.

— Toi, a-t-il fait, tu as une idé e.»

Oui, c'é tait bien une idé e, et seulement une idé e que j'avais.
«Peut-ê tre, ai-je dit.

— T'as quelqu'un?»

Alors j'ai dit «oui». J'ai menti, tellement j'avais besoin de le croire. Il
a repris, é pousant mon jeu:

«Tu lui mettras un mot quand c'est qu'tu s'ras18 à l'hô pital et elle viendra.


— Oui, ai-je ré pé té fermement, elle viendra.»

Il a eu alors ce mot admirable*:

«Si tu crois qu'elle viendra, t'es pas un homme perdu.»

PAUL VIALAR: Les Morts vivants (1947).
Примечания:

1. Suppression populaire de: ne. 2. Жаргонное выражение: доконала, свалила с ног.
3. Просторечное выражение: сдохнуть, отдать концы. 4. Populaire, pour: peut-ê tre.
5. Прозвище персонажа, с которым беседует рассказчик, Ларно. 6. Populaire pour: je
vais. 1.
Populaire: venir. 8. Местность, поле (слово арабского происхождения).
9. Populaire pour: ils. 10. Populaire pour: et puis. 11. Разговорное выражение, означаю-
щее: огорчены, опечалены. 12. На солдатском жаргоне — заградительный огонь.
По-русски примерно " заградогонь". 13. Populaire: as-tu. 14 Abré viation pour: pommes
de terre
frites. 14. Нарезанные " соломкой". 15. Рассказчик был ранен в живот.
16. Populaire pour: quand tu seras.

Вопросы:

* La suite du ré cit ne justifie-t-elle pas ce propos?

** Par quel moyen les deux blessé s pat-viennent-ils à re prendre espoir et goû t à la vie?

***Qu'y a-t-il, en effet, d' «admirable» dans ce mot?

LIBERTÉ

paul ELUARD a é crit cette, -piè ce fameuse au cours des anné es d'occupation. Il
y associe une syntaxe simple et des imaé es audacieuses, qui font de lui l'un des
poè tes les plus remarquables d'a-prè s-guerre.

Sur mes cahiers d'é colier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable sur la neige
J'é cris ton nom.

Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'é cris ton nom.


Sur les images doré es
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'é cris ton nom.

Sur la jungle et le dé sert

Sur les nids et sur les genê ts
Sur l'é cho de mon enfance
J'é cris ton nom.

Sur les merveilles des nuits
; Sur le pain blanc des journé es
Sur les saisons fiancé es'
J'é cris ton nom.

Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'é tang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'é cris ton nom.

Sur les champs sur l'horizon

Sur les ailes des oiseaux

Et sur le moulin des ombres4

J'é cris ton nom.

Sur chaque bouffé e d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne dé mente"
J'é cris ton nom.

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie é paisse et fade
J'é cris ton nom.

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs7
Sur la vé rité physique
J'é cris ton nom.

Sur les sentiers é veillé s
Sur les routes dé ployé es
Sur les places qui dé bordent
J'é cris ton nom.


Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'é teint
Sur mes maisons ré unies
J'é cris ton nom.

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir8 et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J'é cris ton nom.

Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressé es
Sur sa patte maladroite
J'é cris ton nom.

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu bé ni9
J'é cris ton nom.

Sur toute chair accordé e
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J'é cris ton nom.

Sur la vitre des surprises10
Sur les lè vres attentives
Bien au-dessus du silence
J'é cris ton nom.

Sur mes refuges dé truits
Sur mes phares é croulé s
Sur les murs de mon ennui
J'é cris ton nom.

Sur l'absence sans dé sirs
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'é cris ton nom.

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenirs
J'é cris ton nom.


Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaî tre
Pour te nommer

Liberté *.

PAUL É LUARD. Poé sie et Vé rité 1942.
Примечания:

1. Юные, цветущие и верные, как жених и невеста. 2. На клочках синего неба
(которые, например, видит узник). 3. Зацветшем, покрытом ряской. 4. Тени движутся,
как крылья или колесо мельницы. 5. Безумной или кажущейся таковой из-за своего
дикого вида. 6. Пресном, безвкусном. 7. Звучания красок так же мощны, как голоса
колоколов. 8. Зеркало показывает половину яблока, словно оно разрезано пополам, и
отражает половину комнаты. 9. Пламя обладает зыбкостью и текучестью воды.
10. Окно, через которое поэт видит приход чего-то неожиданного.

Вопросы:

Pourquoi l'é crivain donne-t-il à cette piè ce la forme d'une litanie? — Quelle valeur
y prend le mot final?






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