Et des arts
Aprè s la derniè re guerre, Saint-Germain-des-Pré s devint comme le point de ralliement de l'existentialisme. Les assises de la nouvelle litté rature se tenaient au Café de Flore (ou à celui des Deux-Magots), tandis que les adeptes des danses à la mode emplissaient les caves du Tabou, rue Bonaparte. Quel changement ce fut pour un quartier jusqu'alors si calme, et quasi provincial! Mais, d'ores et dé jà, toute cette agitation s'est bien apaisé e, et le «village» cher à LÉ O LARGUIER a retrouvé en grande partie sa physionomie d'autrefois.
Les locataires du VF arrondissement reflè tent d'autres images que ceux de la Villette1 et les gosses qui ont joué au Luxembourg ne ressemblent pas à ceux des Buttes-Chaumont2 ou du parc Monceau2.
Notre quartier a des souvenirs et des lettres de noblesse qui remontent haut. Il est historique et familier, seigneurial et bonhomme, illustre et provincial*.
A nommer seulement Saint-Germain-des-Pré s, on imagine une ville de la vieille France, un joli patelin du Loir-et-Cher ou de Seine-et-Marne, avec les ruines d'une abbaye fameuse, des prairies de beaux arbres et des eaux vives.
M. le Maire est un gros proprié taire du pays et conseiller gé né ral; les vignes donnent quelques barriques d'un vin ré puté 4; les pâ té s en croû te de la Mule-Noire ou du Lion-d'Or5 sont fort appré cié s des gastronomes. Les filles y sont jolies et le climat tempé ré. Pas de commerces insolents, pas d'usines importantes, mais beaucoup de petites boutiques charmantes, des encadreurs et des libraires, des antiquaires et des relieurs.
Il y eut pas mal d'hommes cé lè bres dans l'endroit. Certains y naquirent, d'autres y moururent aprè s avoir voulu y vivre: é crivains, peintres, grands mé decins, humanistes, leurs statues ou leurs bustes ornent les squares et les boulevards.
Il y a des arrondissements où les immeubles neufs n'ont mê me pas l'â ge du plus jeune de leurs locataires. Ils sont fiers de leurs palaces, de leurs immenses magasins, de leurs bars é tincelants de nickels et de glaces qui ne dé pareraient point une avenue de Chicago ou de Philadelphie.
Ici, à chaque pas, se lè ve une image gracieuse ou glorieuse. Le vrai Paris est là, et quelquefois le pré sent y est à peine plus ré el que le passé, et ceux qui vé curent sont mê lé s à ceux qui vivent comme les dieux de l'Antiquité et les saints du Moyen Age l'é taient à l'existence quotidienne qu'ils transfiguraient.
Autour de Saint-Germain-des-Pré s, je dois connaî tre une à une toutes les maisons et le petit monde, le bon monde des rez-de-chaussé e et des boutiques.
Je compte parmi eux beaucoup d'amis. Certains ont succé dé à leur pè re. En voici un autre qui ne pourrait se plaire ailleurs. Tous ses souvenirs sont ici. En sortant de l'é cole, il a joué sur ce trottoir; au coin de l'a rue Jacques- Callot, on a dé moli une bicoque6 où il connut sa fiancé e, la fille d'une merciè re. Il n'a presque jamais mangé que le pain du boulanger voisin; l'horloger qui ré pare de loin en loin sa montre est un ami; il n'achè te son tabac qu'au dé bit qui est prè s de sa boutique et si on le transplantait avenue Hoche7 par exemple, il ne respirerait pas**!..
C'est cela qui est joli dans notre endroit: la bonhomie des mœ urs. presque villageoises, avec, un peu partout, le grand prestige de l'Histoire et le charme fané du Passé.
LÉ O LARGUIER. Saint-Germain-des-Pré s, carrefour des Lettres et des Arts. Примечания:
1. Квартал на севере Парижа. 2. Парк в Париже. 3. Деревня, деревушка. Имеет также значение: место, откуда ты родом, малая родина. 4. Знаменитого, прослав- ленного вина. 5.Черная Мулица, Золотой Лев — распространенные названия сельских ресторанчиков и гостиниц. 6 Небольшой ломик, хибарка. 6. В XVI округе Парижа.
Вопросы:
* Expliquer chacune de ces é pithè tes et la justifier par le contexte. 45 ** Qu'y a-t-il de gracieux dans ce petit tableau?
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