Un clichй d’arriиre-saison

Un typo de mon journal vient de m’annoncer que le clichй On rentre… On est rentrй n’est pas si йculй qu’on aurait pu croire et qu’il peut servir encore une fois ou deux.

Dieu sait pourtant si on en a abusй de ce Paris qui rentre, qui n’arrкte pas de rentrer!

Зa commence aux premiers jours de septembre et зa ne finit jamais.

Quand j’йtais un tout petit garзon (oh! le joli petit garзon que je faisais, gentil, aimable, et combien rosse au fond!) et que je lisais les mondanitйs dans les grands organes, je me figurais le *Paris qui rentre* d’une drфle de faзon!

Des malles а loger des familles entiиres, des boоtes а chapeaux beaucoup plus incomptables que les galets du littoral, des chefs de gare perdant la tкte, et surtout – oh! surtout – de belles jeunes femmes un peu lasses du trajet, mais si charmantes, une fois reposйes, demain.

Rien de vrai, dans tout cela.

Le train qui arrive aujourd’hui а 6 h 20 ressemble йtonnamment au train qui est arrivй, voilа trois mois, а 7 h 15, et on le prendrait volontiers pour le train qui arrivera dans six mois а midi moins le quart.

Quant aux gens qui se trouvaient а Trouville cet йtй, ou dans leurs terres cet automne, ils йtaient remplacйs а Paris par d’autres gens qui se trouveront а Nice cet hiver, ou au tonnerre de Dieu ce printemps prochain.

C’est surtout а Paris qu’il n’y a personne d’indispensable.

Paris rentre! … Paris s’en va!

Et puis quoi? Si j’йtais un garзon mal йlevй, je sais bien ce que je dirais.

Moi aussi, je suis rentrй ces jours-ci, et j’ai trouvй sur mon bureau des lettres, sans exagйrer, haut comme зa.

S’il fallait que je rйpondisse personnellement, il me faudrait mobiliser toute la rйserve et toute la territoriale des secrйtaires de France.

Alors, qu’ai-je fait? Je rйpondrai, rйsolus-je, а un seul, tirй au sort.

L’heureux gagnant se trouve кtre un jeune peintre qui me demande comment s’y prendre, quand il veut travailler, pour йloigner de son atelier les fвcheux, les raseurs, les tapeurs, les fournisseurs et autres amateurs.

Oh! mon Dieu, c’est bien simple! Que cet artiste agisse а mon instar, et il s’en trouvera bien.

Depuis trois ans j’ai fait йtablir, а l’entrйe de mon vestibule, un tourniquet par lequel on doit passer pour pйnйtrer chez moi.

Un invalide а ma solde exige le versement prйalable de la somme d’un franc.

Vous n’avez pas idйe, depuis cette inauguration, comme a diminuй la cohue visiteuse!

Les raseurs y regardent а deux fois. Payer vingt sous pour embкter le monde n’est pas souvent leur apanage.

Les tapeurs sont, en large proportion, йliminйs. Il n’entre plus que les tapeurs de haut vol (dans les 25.000). Ceux-lа, je les laisse parler.

Quant aux crйanciers, ils n’hйsitent pas. Qu’est-ce que c’est que vingt sous pour un crйancier?

Moi, je les laisse faire.

Ainsi, ce matin mкme, j’ai rйglй а mon bottier une petite note de quatre-vingts francs. Il йtait venu vingt-cinq fois. Зa fait du trente et quelque pour cent.

Et puis, j’ai envie d’organiser des jours chics а cent sous: le vendredi, par exemple.