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Postes et tйlйgraphes






Je descendis а la station de Baisemoy-en-Cort, oщ m’attendait le dog-cart de mon vieil ami Lenfileur.

 

Dans le train, je m’йtais aperзu d’un oubli impardonnable (vйritablement impardonnable) et ma premiиre prйoccupation, en dйbarquant, fut de me faire conduire au bureau des Postes et Tйlйgraphes, afin d’envoyer une dйpкche а Paris.

 

Le bureau de Baisemoy-en-Cort se fait remarquer par une absence de confortable qui frise la pйnurie.

 

Dans une encre dйcolorйe et moisie, mais boueuse, je trempai une vieille plume hors d’вge et je griffonnai, а grand-peine, des caractиres dont l’ensemble constituait ma dйpкche.

 

Une dame, plutфt vilaine, la recueillit sans bienveillance, compta les mots et m’indiqua une somme que je versai incontinent sur la planchette du guichet.

 

J’allais me retirer avec la satisfaction du devoir accompli lorsque j’aperзus dans le bureau, me tournant le dos, une jeune femme occupйe а manipuler un Morse[1] fйbrilement.

 

Jeune? probablement. Rousse? sыrement. Jolie? pourquoi pas!

 

Sa robe noire, toute simple, moulait un joli corps dodu et bien compris.

 

Sa copieuse chevelure, relevйe en torsade sur le sommet de la tкte, dйgageait la nuque, une nuque divine, d’ambre clair, oщ venait mourir, trиs bas dans le cou, une petite toison dйlicate, frisйe – insubstantielle, on eыt dit.

 

(Si on a du poil а l’вme, ce doit кtre dans le genre de cette nuque-lа).

 

Et une envie me prit, subite, irraisonnйe, folle, d’embrasser а pleine bouche les petits cheveux d’or pвle de la tйlйgraphiste.

 

Dans l’espoir que la jeune personne se retournerait enfin, je demeurai lа, au guichet, posant а la buraliste des questions administratives auxquelles elle rйpondait sans bonne grвce.

 

Mais la nuque transmettait toujours.

 

А la porte du bureau, mon ami Lenfileur s’impatientait. (Sa petite jument a beaucoup de sang).

 

Je m’en allai.

 

Ce serait me mйconnaоtre йtrangement, en ne devinant point que le lendemain matin, а la premiиre heure, je me prйsentais au bureau de poste.

 

Elle y йtait, la belle rousse, et seule.

 

Cette fois, elle fut bien forcйe de me montrer son visage. Je ne m’en plaignis pas, car il йtait digne de la nuque.

 

Et des yeux noirs, avec зa, immenses.

 

(Oh! les yeux noirs des rousses!)

 

J’achetai des timbres, j’envoyai des dйpкches, je m’enquis de l’heure des distributions; bref, pendant un bon quart d’heure, je jouai au naturel mon rфle d’idiot passionnй.

 

Elle me rйpondait tranquillement, posйment, avec un air de petite femme bien gentille et bien raisonnable.

 

Et j’y revins tous les jours, et mкme deux fois par jour, car j’avais fini par connaоtre ses heures de service, et je me gardais bien de manquer ce rendez-vous, que j’йtais le seul, hйlas! а me donner.

 

Pour rendre vraisemblables mes visites, j’йcrivais des lettres а mes amis, а des indiffйrents.

 

J’envoyai notamment quelques dйpкches а des personnes qui me crurent certainement frappй d’aliйnation.

 

Jamais de ma vie je ne m’йtais livrй а une telle orgie de correspondance.

 

Et chaque jour, je me disais: «C’est pour cette fois; je vais lui parler!».

 

Mais, chaque jour, son air sйrieux me glaзait et au lieu de lui dire: «Mademoiselle, je vous aime!» je me bornais а lui balbutier: «Un timbre de trois sous, s’il vous plaоt, mademoiselle!»

 

La situation devenait intolйrable.

 

Comme ma villйgiature tirait а sa fin, je rйsolus d’incendier mes vaisseaux, et de risquer le tout pour le tout.

 

J’entrai au bureau et voici la dйpкche que j’envoyai а un de mes amis:

 

Coquelin Cadet, 17, boulevard Haussmann, Paris.

 

Je suis йperdument amoureux de la petite tйlйgraphiste rousse de Baisemoy-en-Cort.

 

Je m’attendais, pour le moins, а voir se roser son inoubliable peau blanche.

 

Eh bien, pas du tout!

 

De son air le plus posй, elle me dit ces simples mots:

 

– Quatre-vingt-quinze centimes.

 

Totalement affalй par ce calme impйrial, je me fouillai (sans jeu de mots) pour solder ma dйpкche.

 

Pas un sou de monnaie dans ma poche. Alors je tirai de mon portefeuille un billet de mille francs.[2]

 

La jeune fille le prit, l’examina soigneusement, le palpa…

 

L’examen fut sans doute favorable, car sa physionomie se dйtendit brusquement en un joli sourire qui dйcouvrit les plus affriolantes quenottes de la crйation.

 

Et puis, sur un ton bien parisien, et mкme bien neuviиme arrondissement, elle me demanda:

 

– Faut-il rendre la monnaie, monsieur?

 






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