Студопедия

Главная страница Случайная страница

Разделы сайта

АвтомобилиАстрономияБиологияГеографияДом и садДругие языкиДругоеИнформатикаИсторияКультураЛитератураЛогикаМатематикаМедицинаМеталлургияМеханикаОбразованиеОхрана трудаПедагогикаПолитикаПравоПсихологияРелигияРиторикаСоциологияСпортСтроительствоТехнологияТуризмФизикаФилософияФинансыХимияЧерчениеЭкологияЭкономикаЭлектроника






ActeII, se. V. 4 страница






UN SCEPTIQUE

...A peine oserai-je dire la vanité et la faiblesse que je trouve chez moi.
J'ai le pied si instable et si mal assis' je le trouve si aisé à crouler2 et si prê t
au branle3 et ma vue si dé ré glé e, que à jeun je me sens autre qu'aprè s le
repas; si ma santé me rit, et la clarté d'un beau jour, me voilà honnê te
homme5; si j " ai un cor qui me presse l'orteil, me voilà renfrogné, mal
plaisant, inaccessible. Un mê me pas de cheval me semble tantô t rude,
tantô t aisé, et mê me chemin à cette heure plus court, une autre fois plus
long, et une mê me forme ores6 plus, ores moins agré able. Maintenant je
suis à tout faire, maintenant à rien faire; ce qui m'est plaisir à cette heure,
me sera quelquefois peine. Il se fait mille agitations indiscrè tes et casuel
les7 chez moi. Ou l'humeur mé lancolique me tient, ou la colé rique; et, de
son autorité privé e8 à cette heure le chagrin pré domine en moi, à cette
heure l'allé gresse. Quand je prends des livres, j'aurai aperç u en tel passage
des grâ ces excellentes et qui auront fé ru9 mon â me; qu'une autre fois j'y
retombe, j'ai beau le tourner et virer, j'ai beau le plier et le manier, c'est une
masse inconnue et informe pour moi.

En mes é crits mê me je ne retrouve pas toujours l'air de ma premiè re
imagination: je ne sais ce que j'ai voulu dire, et m'é chaude10 souvent
à corriger et y mettre un nouveau sens, pour avoir perdu" le premier, qui
valait mieux. Je ne fais qu'aller et venir; mon jugement ne tire pas toujours
en avant; il flotte, il vague,

Velut minuta magno

Deprensa navis in mari vesaniente vento12.

Maintes fois (comme il m'advient de faire volontiers) ayant pris pour
exercice et pour é bat à maintenir une contraire opinion à la mienne, mon
esprit, s'appliquant et tournant de ce cô té -là, m'y attache si bien que je ne
trouve plus la raison de mon premier avis, et m'en dé pars11. Je m'entraî ne


quasi14 où je penche, comment que ce soit15, et m'emporte de16 mon poids.
Chacun à peu prè s en dirait autant de soi, s'il se regardait comme moi*.

Essais, II, XII (1580-1588).

Примечания:

1. Так непрочно опирающаяся на землю. 2. Дрогнуть. 3. Настолько готова пошат-
нуться. 4 Ainsi que. 5. Благовоспитанный, учтивый человек. 6. То.. то... 7 Случай-
ные. 8. Самопроизвольно, стихийно. 9. Потрясут. 10. Je me donne chaud à... — я муча-
юсь, je me tourmente à... 11. Parce que j'ai perdu 12. Как маленький корабль, застигну-
тый в открытом море свирепым ветром. — Катулл (лат). 13. И от него отхожу, отка-
зываюсь. 14. В каком-то смысле. 15. Тем или иным образом. 16. Под воздействием.

Вопросы:

* Attachez-vous à souligner ici la souplesse de la pensé e et de son expression. Montrez
que le scepticisme de l'auteur repose sur une
observation personnelle et concrè te. — Faites
vous-mê me, à la maniè re de Montaigne, un
essai de vos dispositions intellectuelles ou
morales.

DESCARTES (1596-1650)

Le trait de gé nie initial de DESCARTES fut de partir à peu prè s du 'point où
avait abouti Montaigne et d'instituer, au lieu d'une simple sagesse individuelle
fondé e sur des vues approximatives, une «mé thode» infaillible 'pour «bien
conduire sa raison et chercher la vé rité dans les sciences». Pour ce faire, il
s'enferma dans «son poê le» et y é labora les quatre rè gles qui constituent la

base du carté sianisme.

Mais cet effort constructif avait é té lui-mê me pré cé dé d'une pé riode moins
spé culative: celle où le philosophe, dé blayant sa jeune cervelle de tout le fatras
dont on l'avait encombré e, s'en fut hardiment qué rir la vé rité dans «le grand
livre du monde»...

EN LISANT DANS LE GRAND LIVRE DU MONDE
Sitô t que l'â ge me permit de sortir de la sujé tion de mes pré cepteurs, je
quittai entiè rement l'é tude des lettres2. Et me ré solvant de ne chercher plus
d'autre science que celle qui se pourrait trouver en moi-mê me, ou bien dans
le grand livre du monde, j'employai le reste de ma jeunesse à voyager, à
voir des cours3 et des armé es, à fré quenter des gens de diverses humeurs et


conditions, à recueillir diverses expé riences, à m'é prouver moi-mê me dans
les rencontres que la fortune4 me proposait, et partout à faire telle ré flexion
sur les choses qui se pré sentaient ques j'en pusse tirer quelque profit. Car il
me semblait que je pourrais rencontrer plus de vé rité dans les rai-
sonnements que chacun fait touchant les affaires qui lui importent, et dont
l'é vé nement le doit punir bientô t aprè s s'il a mal jugé, que dans ceux que
fait un homme de lettres dans son cabinet touchant des spé culations qui ne
produisent aucun effet, et qui ne lui sont d'autre consé quence6 sinon que
peut-ê tre il en tirera d'autant plus de vanité qu'elles seront plus é loigné es du
sens commun, à cause qu'il aura dû employer d'autant plus d'esprit et
d'artifice à tâ cher de les rendre vraisemblables. Et j'avais toujours un
extrê me dé sir d'apprendre à distinguer le vrai d'avec le faux, pour voir clair
en mes actions et marcher avec assurance en cette vie.

Il est vrai que pendant que je ne faisais que considé rer les mœ urs des
autres hommes, je n'y trouvais guè re de quoi m'assurer, et que j'y
remarquais quasi7 autant de diversité que j'avais fait auparavant entre les
opinions des philosophes. En sorte que le plus grand profit que j'en retirais
é tait que, voyant plusieurs choses, qui, bien qu'elles nous semblent fort
extravagantes et ridicules, ne laissent pas d'ê tre8 communé ment reç ues et
approuvé es par d'autres grands peuples, j'apprenais à ne rien croire trop
fermement de ce qui ne m'avait é té persuadé que par l'exemple et par la
coutume; et ainsi je me dé livrais peu à peu de beaucoup d'erreurs qui
peuvent offusquer notre lumiè re naturelle et nous rendre moins capables
d'entendre raison. Mais, aprè s que j'eus employé quelques anné es à é tudier
ainsi dans le livre du monde et à tâ cher d'acqué rir quelque expé rience, je
pris un jour la ré solution d'é tudier aussi en moi-mê me, et d'employer toutes
les forces de mon esprit à choisir les chemins que je devrais suivre. Ce qui
me ré ussit beaucoup mieux, ce me semble, que si je ne me fusse jamais
é loigné ni de mon pays ni de mes livres*.

Discours de la Mé thode (1637), lre partie.
Примечания:

I. В северных странах — комната с большой изразцовой печью. 2. Имеются в виду
книги вообще — и изящная словесность, и ученые трактаты. 3. Королевские дворы,
придворные. 4. Случай. 5. Telle ré flexion... que (consé quence). 6. Qui n'ont pour lui
d'autre consé quence que de lui en faire tirer d'autant plus... 7. Почти. 8. Ne manquent pas
d'ê tre...sont pourtant...


Вопросы:

* Qu'est-ce qu'un homme d'aujourd'hui aimera dans cette n expé rience», renouvelé e de
Montaigne?
Montrez que la phrase de Descartes est einore tout alourdie par l'influence
du
latin, et, à cet é gard, en recul par rapport au franç ais du Moyen Age.

BLAISE PASCAL (1623-1662)

*

DESCARTES é tait un rationaliste aux yeux de qui les mathé matiques
constituaient la plus haute activité de l'esprit. Pour PASCAL, au contraire, il
existe, au-dessus de l'intelligible pur, un monde surnaturel qui nous dé passe,
mais dont il sent et voudrait impatiemment nous faire partager la pré sence.
D'où ce cri, par quoi s'ouvre le Mé morial de Jé sus: «Dieu d'Abraham, d'Isaac
et de Jacob, non celui des savants et des philosophes...»
Par là, l'auteur des Pensé es s'insè re directement dans le courant antiintellectu-
aliste qu'avait inauguré Montaigne: mais il dé passe le scepticisme un peu terre
à terre de son pré dé cesseur pour atteindre une certitude plus haute, celle qui
part du «cœ ur» et aboutit à Dieu. Pensé e mystique, si l'on veut: mais il y a un
mysticisme franç ais, comme il y a une libre pensé e franç aise.

DIEU SENSIBLE AU CΠUR

C'est le cœ ur qui sent Dieu, et non la raison; voilà ce que c'est que la
foi: Dieu sensible au cœ ur, non à la raison.

Le cœ ur a ses raisons, que la raison ne connaî t point; on le sait en mille
choses. Je dis que le cœ ur aime l'Ê tre universel naturellement, et soi-mê me
naturellement, selon qu'il s'y adonne1 et il se durcit contre l'un ou l'autre, à
son choix. Vous avez rejeté l'un et conservé l'autre: est-ce par raison que

vous vous aimez?

Nous connaissons la vé rité, non seulement par la raison, mais encore
par le cœ ur; c'est de cette derniè re sorte que nous connaissons les premiers
principes, et c'est en vain que le raisonnement, qui n'y a point de part,
essaie de les combattre. Les pyrrhoniens2 qui n'ont que cela3 pour objet, y
travaillent inutilement. Nous savons que nous ne rê vons point; quelque
impuissance où nous soyons de le prouver par raison, cette impuissance ne
conclut autre chose que la faiblesse de notre raison, mais non pas
l'incertitude de toutes nos connaissances, comme ils le pré tendent. Car la
connaissance des premiers principes, comme4 qu'il y a espace, temps,
mouvement, nombres, est aussi ferme qu'aucune de celles que nos


raisonnements nous donnent. Et c'est sur ces connaissances du. cœ ur et de
l'instinct qu'il faut que la raison s'appuie, et qu'elle y fonde tout son
discours. Le cœ ur sent qu'il y a trois dimensions dans l'espace, et que les
nombres sont infinis; et la raison dé montre ensuite qu'il n'y a point deux
nombres carré s dont l'un soit double de l'autre. Les principes se sentent, les
propositions se concluent; et le tout avec certitude, quoique par diffé rentes
voies. Et il est aussi inutile et aussi ridicule que la raison demande au cœ ur
des preuves de ces premiers principes, pour vouloir y consentir, qu'il serait
ridicule que le cœ ur demandâ t à la raison un sentiment5 de toutes les
propositions qu'elle dé montre, pour vouloir les recevoir.

Cette impuissance ne doit donc servir qu'à humilier la raison, qui
voudrait juger de tout, mais non pas à combattre notre certitude comme s'il
n'y avait que la raison capable de nous instruire. Plû t à Dieu que nous n'en
eussions au contraire jamais besoin et que nous connussions toutes choses
par instinct et par sentiment! Mais la nature nous a refusé ce bien; elle ne
nous a au contraire donné que trè s peu de connaissances de cette sorte;
toutes les autres ne peuvent ê tre acquises que par raisonnement.

Et c'est pourquoi ceux à qui Dieu a donné la religion par sentiment du
cœ ur sont bien heureux et bien lé gitimement persuadé s. Mais à ceux qui ne
l'ont pas, nous ne pouvons la donner que par raisonnement, en attendant
que Dieu la leur donne par sentiment de cœ ur, sans quoi la foi n'est
qu'humaine, et inutile pour le salut*.

Pensé es (publié es en 1670).
Примечания:

1. В той мере, в какой оно предано любви. 2. Скептики. 3. У которых одна цель —
борьба против главных принципов, диктуемых человеку сердцем 4. Comme = par
exemple. 5. Чувство противопоставляется доказательствам.

Вопросы:

* Quel nom donnerait-on aujourd'hui à ce que Pascal appelle le cœ ur? — On
comparera le
ion de ce passage à celui de l'extrait pré cé dent.Aprè s ié closion du
romantisme franfais, la pensé e religieuse trouvera un aliment chez Pascal:
pourquoi?

MONTESQUIEU (1689-1755)

les «philosophes» du XVIIIe siè cle, MONTESQUIEU osa, le premier, s'attaquer
à des sujets é pargné s jusqu'alors: le christianisme et la royauté. Et cette


offensive, commencé e sur le ton du persiflage dans les Lettres persanes, se
poursuivit avec acharnement dans l'Esprit des Lois, monument é levé et
consacré à la dé fense de l'Homme...

DE L'ESCLAVAGE DES NÈ GRES

Si j'avais à soutenir le droit que nous avons eu de rendre les Nè gres
esclaves, voici ce que je dirais:

Les peuples d'Europe ayant exterminé ceux de l'Amé rique, ils ont dû
mettre en esclavage ceux de l'Afrique, pour s'en servir à dé fricher tant de

terres.

Le sucre serait trop cher, si l'on ne faisait travailler la plante qui le

produit par des esclaves.

Ceux dont il s'agit sont noirs depuis les pieds jusqu'à la tê te; et ils ont le
nez si é crasé, qu'il est presque impossible de les plaindre.

On ne peut pas se mettre dans l'esprit que Dieu, qui est un ê tre trè s sage,
ait mis une â me, surtout une â me bonne, dans un corps tout noir.

On peut juger de la couleur de la peau par celle des cheveux, qui, chez
les É gyptiens, les meilleurs philosophes du monde, é tait d'une si grande
consé quence1, qu'ils faisaient mourir tous les hommes roux qui leur
tombaient entre les mains.

Une preuve que les Nè gres n'ont pas le sens commun, c'est qu'ils font
plus de cas d'un collier de verre que de l'or, qui, chez des nations policé es,
est d'une si grande consé quence.

Il est impossible que nous supposions que ces gens-là soient des
hommes, parce que, si nous les supposions des hommes, on commencerait
à croire que nous ne sommes pas nous-mê mes chré tiens.

De petits esprits exagè rent trop l'injustice que l'on fait aux Africains;
car, si elle é tait telle qu'ils le disent, ne serait-il pas venu dans la tê te des
princes d'Europe, qui font entre eux tant de conventions inutiles, d'en faire
une gé né rale en faveur de la misé ricorde et de la pitié *?

Esprit des Lois, XV, v (1748).
Примечания:

] Значение.

Вопросы:

* L'indignation est sensible sous le manteau de l'ironie. Quels passages vous paraissent,
à cet é gard,
les plus vigoureux? — Quelle est la nouveauté de cette page, de quel courage
té moigne-t-elle, en 1748?


DIDEROT (1713-1784)
ET «L'ENCYCLOPÉ DIE» (1751 1772)

En DIDEROT on admirela -profondeur de vues, la puissance parfois,
prophé tique d'un esprit qui n'a pas fini d'exercer son action sur la pensé e
d'aujourd'hui. Ce fut un prodigieux remueur d'idé es. Spirituel comme Voltaire,
à l'occasion, sensible, pathé tique parfois comme Rousseau, il joint à ces dons
une intelligence d'une rare souplesse et propre aux synthè ses les plus hardies.
On trouvera ici un article é crit pour cette Encyclopé die, qui ne fut pas
seulement la grande affaire de la vie de Diderot, mais aussi une sorte de
machine de guerre idé ologique monté e pour dé molir l'Ancien Ré gime.

AUTORITÉ POLITIQUE

Aucun homme n'a reç u de la nature le droit de commander aux autres.
La liberté est un pré sent du Ciel, et chaque individu de la mê me espè ce a le
droit d'en jouir aussitô t qu'il jouit de la raison. Si la nature a é tabli quelque
autorité, c'est la puissance paternelle: mais la puissance paternelle a ses
borné s; et dans l'é tat de nature elle finirait aussitô t que les enfants seraient
en é tat de se conduire. Toute autre autorité vient d'une autre origine que la
nature. Qu'on examine bien et on la fera toujours remonter à l'une de ces
deux sources: ou la force et la violence de celui qui s'en est emparé; ou le
consentement de ceux qui s'y sont soumis par un contrat fait ou supposé
entre eux et celui à qui ils ont dé fé ré l'autorité.

La puissance qui s'acquiert par la violence n'est qu'une usurpation et ne
dure qu'autant que la force de celui qui commande l'emporte sur celle de
ceux qui obé issent; en sorte que si ces derniers deviennent à leur tour les
plus forts, et qu'ils secouent le joug1, ils le font avec autant de droit et de
justice que l'autre qui le leur avait imposé. La mê me loi qui a fait l 'autorité
la dé fait alors: c'est la loi du plus fort.

Quelquefois l'autorité qui s'é tablit par la violence change de nature;
c'est lorsqu'elle continue et se maintient du consentement exprè s2 de ceux
qu'on a soumis: mais elle rentre par là dans la seconde espè ce dont je vais
parler; et celui qui se l'é tait arrogé e devenant alors prince cesse d'ê tre
tyran3.

La puissance qui vient du consentement des peuples suppose
né cessairement des conditions qui en rendent l'usage lé gitime utile à la
socié té, avantageux à la ré publique4, et qui la fixent et la restreignent entre


des limites; car l'homme ne peut ni ne doit se donner entiè rement et sans
ré serve à un autre homme, parce qu'il a un maî tre supé rieur au-dessus de
tout, à qui seul il appartient en entier. C'est Dieu dont le pouvoir est
toujours immé diat sur la cré ature, maî tre aussi jaloux qu'absolu, qui ne
perd jamais de ses droits et ne les communique point. Il permet pour le
bien commun et le maintien de la socié té que les hommes é tablissent entre
eux un ordre de subordination, qu'ils obé issent à l'un d'eux; mais il veut que
ce soit par raison et avec mesure, et non pas aveuglé ment et sans ré serve,
afin que la cré ature ne s'arroge pas les droits du cré ateur. Toute autre
soumission est le vé ritable crime d'idolâ trie5. Flé chir le genou devant un
homme ou devant une image n'est qu'une cé ré monie exté rieure, dont le vrai
Dieu, qui demande le cœ ur et l'esprit, ne se soucie guè re, et qu'il
abandonne à l'institution des hommes pour en faire, comme il leur
conviendra, des marques d'un culte civil et politique, ou d'un culte de
religion. Ainsi ce ne sont pas ces cé ré monies en elles-iAê mes, mais l'esprit
de leur é tablissement qui en rend la pratique innocente ou criminelle. Un
Anglais n'a point de scrupule à servir le roi le genou en terre; le
cé ré monial6 ne signifie que ce qu'on a voulu qu'il signifiâ t, mais livrer son
cœ ur, son esprit et sa conduite sans aucune ré serve à la volonté et au
caprice d'une pure cré ature, en faire l'unique et dernier motif de ses actions,
c'est assuré ment un crime de lè se-majesté divine7 au premier chef8*.,

Encyclopé die.
Примечания:

1. Сбрасывают иго. 2. Ясным, недвусмысленным. 3. Слово использовано в этимо-
логическом смысле — узурпатор. 4. Государство (лат.). 5. Поклонение идолам, а не
истинному Богу. 6. Церемониал. Здесь: правила поведения при дворе. 7. Оскорбление
величества. Здесь', преступление против Божественного величия. 8. В наивысшей сте-
пени

Вопросы:

* En quoi consiste la hardiesse de cet article? Quelles critiques contient-il contre
l'Ancien Ré gime?
405


CHATEAUBRIAND (1768 1848)

autant le XVIIf siè cle avait eu foi en l'homme, autant le' romantiques se
complurent dans le doute et mê me le dé sespoir. Il parut soi dain aux jeunes
gens, dont les nerfs é taient d'ailleurs é branlé s par les é vé nements tragiques de
la Ré volution et de l'Empire, que l'univers se dé robait sous leurs pas, que la vie
ne valait plus la peine d'ê tre vé cue, en un mot, comme dit Alfred de Musset,
qu'ils é taient venus «trop tard dans un monde trop vieux».
Ce «mal du siè cle», qui est, à certains é gards, le mal de la jeunesse, personne
ne semble l'avoir ressenti plus profondé ment ni analysé avec plus de lucidité
que CHATEAUBRIAND dans son petit roman autobiographique René.

MÉ LANCOLIE DE RENÉ

La solitude absolue, le spectacle de la nature me plongè rent bientô t dans
un é tat presque impossible à dé crire. Sans parents, sans amis, pour ainsi
dire seul sur la terre, n'ayant point encore aimé, j'é tais accablé d'une
surabondance de vie. Quelquefois je rougissais subitement, et je sentais
couler dans mon cœ ur des ruisseaux d'une lave ardente; quelquefois, je
poussais des cris involontaires, et la nuit é tait é galement troublé e de mes
songes et de mes veilles. Il me manquait quelque chose pour remplir
l'abî me de mon existence; je descendais dans la vallé e, je m'é levais sur la
montagne, appelant de toute la force de mes dé sirs l'idé al objet d'une
flamme future; je l'embrassais dans les vents, je croyais l'entendre dans les
gé missements du fleuve; tout é tait ce fantô me imaginaire, et les astres dans
les cieux, et le principe mê me de la vie dans l'univers.

Toutefois cet é tat de calme et de trouble, d'indigence et de richesse,
n'é tait pas sans quelques charmes: un jour je m'é tais amusé à effeuiller une
branche de saule sur un ruisseau, et à attacher une idé e à chaque feuille que
le courant entraî nait. Un roi qui craint de perdre sa couronne par une
ré volution subite, ne ressent pas des angoisses plus vives que les miennes
à chaque accident qui menaç ait les dé bris de mon rameau. 0 faiblesse des
mortels! ô enfance du cœ ur humain, qui ne vieillit jamais! Voilà donc
à quel degré de pué rilité notre superbe raison peut descendre! Et encore
est-il vrai que bien des hommes attachent leur destiné e à des choses d'aussi
peu de valeur que mes feuilles de saule.

Mais comment exprimer cette foule de sensations fugitives que j'é prouvais
dans mes promenades? Les sons que rendent les passions dans le vide d'un
cœ ur solitaire ressemblent au murmure que les vents et les eaux font entendre
dans le silence d'un dé sert: on en jouit, mais on ne peut les peindre.
406


L'automne me surprit au milieu de ces incertitudes: j'entrai avec ravis-
sement dans les mois de tempê tes. Tantô t j'aurais voulu ê tre un de ces
guerriers1 errant au milieu des vents, des nuages et des fantô mes; tantô t
j'enviais jusqu'au sort du pâ tre que je voyais ré chauffer ses mains à
l'humble feu de broussailles qu'il avait allumé au coin d'un bois. J'é coutais
ses chants mé lancoliques, qui me rappelaient que dans tout pays le chant
naturel de l'homme est triste, lors mê me qu'il exprime le bonheur. Notre
cœ ur est un instrument incomplet, une lyre où il manque des cordes, et où
nous sommes forcé s de rendre les accents de la joie sur le ton consacré aux
soupirs.

Le jour, je m'é garais sur de grandes bruyè res terminé es par des forê ts.
Qu'il fallait peu de chose à ma rê verie! une feuille sé ché e que le vent
chassait devant moi, une cabane dont la fumé e s'é levait dans la cime
dé pouillé e des arbres, la mousse qui tremblait au souffle du nord sur le
tronc d'un chê ne, une roche é carté e, un é tang dé sert où le jonc flé tri
murmurait! Le clocher solitaire, s'é levant au loin dans la vallé e, a souvent
attiré mes regards; souvent j'ai suivi des yeux les oiseaux de passage qui
volaient au-dessus de ma tê te. Je me figurais les bords ignoré s, les climats
lointains où ils se rendent; j'aurais voulu ê tre sur leurs ailes. Un secret
instinct me tourmentait; je sentais que je n'é tais moi-mê me qu'un voyageur;
mais une voix du ciel semblait me dire: «Homme, la saison de ta migration
n'est pas encore venue; attends que le vent de la mort se lè ve; alors tu
dé ploieras ton vol vers ces ré gions inconnues que ton cœ ur demande».

«Levez-vous vite, orages dé siré s, qui devez emporter René dans les
espaces d'une autre vie!» Ainsi disant, je marchais à grands pas, le visage
enflammé, le vent sifflant dans ma chevelure, ne sentant ni pluie ni frisson,
enchanté 2 tourmenté, et comme possé dé par le dé mon de mon cœ ur*.

René (1802).
Примечания:

1. Один из воинов, воспетых Оссианом, шотландским бардом III в., которого при-
думал Макферсон и от имени которого сочинил ''Песни Оссиана". Это была одна из
знаменитейших литературных мистификаций. 2. Очарованный, околдованный.

Вопросы:

* On comparera ce texte avec les piè ces cé lè bres de Lamartine intitulé es 1/isolement et
L'Automne. — On a dit que Chateaubriand é tait le dernier «enchanteur des forê ts
bretonnes-». Ce texte vous fait-il sentir pourquoi!


ERNEST RENAN (1823-1892)

avec la gé né ration de 1848 s'é teint d'une faç on assez brusque le dé courage-
ment particulier à l'â ge romantique. L'homme, qui s'é tait cru dé laissé,
ré prouvé, maudit, re-prend confiance, sinon en Dieu, du moins dans
/ej
progrè s de sa propre connaissance. Une nouvelle foi se cré e, une sorte de
religion laï que qui aboutira à l'idolâ trie du «scientisme».
ERNEST RENAN est certainement un de ceux qui ont traduit avec le plus de
profondeur cet espoir en l'Avenir de la Science.

DE L'INDIVIDU A L'HUMANITÉ

Un jour, ma mè re et moi, en faisant un petit voyage à travers les sentiers

pierreux des cô tes de Bretagne qui laissent à tous ceux qui les ont foulé s de

si doux souvenirs, nous arrivâ mes à une é glise de hameau, entouré e, selon






© 2023 :: MyLektsii.ru :: Мои Лекции
Все материалы представленные на сайте исключительно с целью ознакомления читателями и не преследуют коммерческих целей или нарушение авторских прав.
Копирование текстов разрешено только с указанием индексируемой ссылки на источник.