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LE DÉJEUNER DE SOUSCEYRAC






On sait l'importance que les Franç ais attachent à la dé gustation de repas

savoureux, savamment arrosé s de vins fins. Et ce sera, pour l'é tranger qui vient dans

notre pays, un moyen agré able d'en connaî tre les diverses ré gions que de s'initier

aux spé cialité s culinaires propres à chacune de nos provinces:

à Rouen, on lui servira «le canard au sang»; à Nantes, «le brochet au beurre

blanc»; en Pé rigord, des «confits» de volaille et de porc; dans le Gers ou le Lot, du

«foie gras» truffé; à Marseille, «la bouillabaisse» et «l'aï oli»; en Savoie, «la

fondue»; à Nancy, «la quiche lorraine»; et à Strasbourg, «le kugelhopf».

On trouvera un exemple amusant du goû t si franç ais pour la bonne cuisine

dans ce Dé jeuner de Sousceyrac, que PIERRE BENOIT a eu la bonne idé e d'offrir

aux deux hé ros de son roman.

Deux amis, Philippe et Jean, se sont arrê té s à Sousceyrac' pour dé jeuner. Mais
ils ne sont pas sans crainte sur ce que Mme Prunet, leur hô tesse, va leur servir à
manger.

Madame Prunet les attendait sur le seuil de l'hô tel.

«Tout est prê t, messieurs», dit-elle. Et elle les conduisit dans la salle
à manger, qui é tait situé e au premier é tage.

Les derniè res abeilles de la saison s'insinuaient en bourdonnant
à travers les rayures d'or pâ le despersiennes. Jean ouvrit la fenê tre toute
grande. La lumiè re entra. «Nous serons trè s bien, ici», dit-il. En raison de
l'heure dé jà avancé e, ils é taient seuls dans la piè ce assez banale, mais d'une
propreté parfaite. Le parquet, humide encore d'un ré cent lavage, sentait
l'eau de savon. Il y avait des fleurs champê tres dans les cornets2 de faux
cristal. Aux murs, des gravures colorié es é voquaient les batailles navales,
où des vaisseaux et des fré gates de chez nous é taient en train de s'expliquer
sé vè rement avec leurs petits camarades d'outre-Manche*.

Philippe et Jean s'installè rent prè s de la fenê tre, devant la table où leurs
couverts é taient mis.


«Qu'allez-vous nous donner, chè re madame? demanda Jean. — Du
poulet, puisque vous en dé sirez, messieurs, ré pondit Mme Prunet. Mais
comme il n'est pas tout à fait à point, j'ai pensé vous faire goû ter d'abord
autre chose.»

II s'agissait d'un foie de canard et d'un saladier d'é crevisses, qu'elle
disposa devant eux.

«Ce n'est pas trè s varié comme hors-d'œ uvre, poursuivî t-elle. Si vous
dé sirez des sardines à l'huile, je peux envoyer la petite en chercher une
boî te à l'é picerie qui n'est pas loin.

— Pour Dieu, gardez-vous-en, ma chè re dame. C'est trè s bien ainsi!»
s'é cria Jean. Tandis que Mme Prunet se retirait, il donna un coup de coude
à Philippe. «Eh! mais, dis donc, les choses n'ont pas l'air de trop mal
s'arranger. — Pourquoi veux-tu né cessairement ê tre tombé dans un guet-
apens?» ré pliqua Philippe avec aplomb.

Il y avait seulement dix minutes, il n'é tait point aussi rassuré. Ce fut ce
que Jean faillit lui ré pondre. Mais il fut assez magnanime pour ne pas
insister.

«Voyons ces é crevisses. Elles ne sont pas trè s grosses, mais le court-
bouillon3 qui les baigne me paraî t avoir é té composé selon les vé ritables
rè gles de l'art. Echalote, thym, laurier4. Parfait! Rien ne manque.

— Quant au foie gras, dit Philippe, il est tout simplement merveilleux.
Je te conseille de le comparer avec les puré es qu'on nous sert à Paris.

— Dé cidé ment, dit Jean, tu as eu une riche idé e en nous faisant passer
par Sousceyrac. En tout cas, que mes é loges ne t'empê chent pas de nous
verser à boire.»

II y avait sur la table deux sortes de vins, l'un blanc, l'autre rouge. Jean
goû ta à l'un et à l'autre. Le blanc é tait lé ger, avec un arriè re-goû t de ré sine
qui n'é tait pas dé sagré able. Quant au rouge, il é tait un peu é pais, un peu
violacé, mais si plein d'honnê teté et de fraî cheur!

«Maintenant, le poulet peut ê tre brû lé, j'ai moins peur. Avec ce vin, ce
foie gras, ces é crevisses, nous verrons toujours venir. Allons, redonne-nous
à boire, et quitte cette mine de catastrophe5

Il rit. Philippe consentit à sourire. Le saladier, é norme pourtant, é tait
dé jà à moitié vide. Du foie, il ne restait qu'une mince tranche, que Jean
s'adjugea. Quant aux bouteilles, elles ne risquaient plus, en se renversant,
de causer à la nappe le moindre dommage.

«Excellente entré e en matiè re, madame, dit Jean à l'hô tesse. Sans
mentir, si le plat de ré sistance est de la mê me ligné e que les hors-d'œ uvre...
Mais, qu'est-ce que vous nous apportez là?


— Des truites du pays, monsieur, ré pondit-elle avec son air perpé tuel de
s'excuser. Mon petit-neveu les a pê ché es cette nuit. Je les avais promises à
quelqu'un des environs. Mais tant pis! J'aime autant que vous en profitiez.

— Inspiration du Ciel, ma bonne dame. Regarde-moi ç a, Philippe. Sont-
elles gracieuses, les mignonnes! Qu'en penses-tu?» Philippe haussa les
é paules.

«Je te l'avais bien dit, fit-il, quand Mme Prunet eut regagné sa cuisine.
Pourquoi n'aurions-nous pas é té admirablement ici?

— Ouais! dit Jean. Enfin ne rouvrons pas les vieilles querelles.
Repasse-moi le plat. Hé! là, hé! là, laisse-m'en.

— Le vin blanc, qui me paraissait un peu faible sur les é crevisses,
s'harmonise fort bien avec les truites», dit Philippe.

Verre en main, ils se regardè rent en souriant, lé gè rement renversé s
contre le dossier de leurs chaises...

Au-dehors, un peu de brise é tait né, une brise qui n'é tait pas encore le
vent d'hiver, mais qui le faisait pressentir. Elle ondulait avec douceur dans
les vastes frondaisons rousses du foirail6.

Mme Prunet entra, nantie d'un plat de cè pes7 farcis. Les deux amis lui
firent une ovation. «A boire, à boire! cria Jean.

— Tu voudras bien constater, dit Philippe solennellement, que les
champignons que voici n'ont aucun rapport avec les misé rables morceaux
de pneumatiques huileux qu'on dé bite partout sous le nom de cè pes à la
bordelaise8. Tu es rassuré, j'espè re, à pré sent?

—Si je le suis! C'est-à -dire que je suis au comble de l'amertume de
n'avoir dé couvert Sousceyrac que le dernier jour des vacances, à la veille
de notre sé paration. Ç a m'embê te9 bien de te quitter, mon petit Philippe, tu
sais.

— Reste avec moi. Les braves gens de Vierzon chez qui je vais seront
ravis. Je leur ai si souvent parlé de toi.

— Tu n'es pas fou? Et le ministè re?

— Deux jours, trois jours de plus, qu'est-ce que c'est que cela? Personne
n'en mourra.

— Impossible, te dis-je... Aprè s-demain, sans faute, je dois ê tre rue de
Grenelle10. Aujourd'hui, c'est mon chant du cygne11.

— En fait de cygne, regarde. Voilà qui me fait l'effet d'un assez joli
canard en salmis12.» Jean leva les bras au ciel.

«Imbé cile. Imbé cile ou ivrogne. Il est indigne d'ê tre originaire d'un tel
pays. Il prend pour un salmis de canard un civet13 de liè vre. Et quel civet!
Mes compliments, madame. C'est onctueux, c'est noir, c'est magnifique.


Nous vous avons sottement dé fié e. Vous avez relevé le dé fi. Croyez que
nous ne vous en gardons nulle rancune. Mais sapristi14, il fallait pré venir!
C'est que je commence à ê tre à bout de souffle. Allons-y pourtant. Sainte
Vierge, je n'ai jamais rien mangé de pareil!

— Vous ê tes trop indulgent, monsieur, dit Mme Prunet. Moi, je ne suis
pas trè s satisfaite de ce liè vre. Il avait perdu beaucoup de sang. Le poulet
sera, je crois, mieux ré ussi. — Le poulet?

— Ne m'avez-vous pas ré clamé du poulet? Excusez-moi, il ne faut pas
que je le perde de vue. Un coup de feu est si vite attrapé. — Cette brave
dame a juré notre mort», dit Philippe**.

PIERRE BENOIT. Le Dé jeuner de Sousceyrac (1931).
Примечания:

1. Городок на юго-западе Центрального массива (департамент Ло). 2. Небольшие ва-
зы в форме рогов. 3. Пряный навар для отваривания рыбы и ракообразных. 4. Пряности,
душистые травы — лук-шалот, тимьян, лавровый лист. 5....И прекрати строить такую
кислую физиономию. 6. Рыночная площадь. 7. Белых грибов. 8. Белые грибы по-
бордосски. 9. Огорчает (разг.). 10. Улица в Париже. На ней находится министерство, в
котором служит Жан. 11. Лебединая песня, т.е. последнее творение художника. Сущест-
вует легенда, что перед смертью лебедь поднимается в небо, чтобы пропеть последнюю
песню. 12. Рагу из птицы в соусе. 13. Рагу из дичи или зайца, тушеных в вине с луком.
14. Проклятие, чаще всего используемое для выражения эмоций, нечто вроде " Черт по-
бери! ".

Вопросы:

* Relevez les traits d'humour contenus dans cehe page.

** Etudiez la psychologie de chacun des trois personnages.Par quels procé dé s
l'auteur parvient-il à animer sa description?

PRÉ SENTATION D'UNE «COLLECTION»

paris est peut-ê tre le lieu du monde où l'é lé gance fé minine atteint son plus
haut degré de raffinement. Et les noms de nos grands couturiers sont aussi
connus à l'é tranger, sinon davantage, que ceux de nos plus grands artistes ou
de nos plus grands savants.

Les maisons de couture, temples de la haute mode, vivent dans un é tat de
fiè vre permanente. Mais cette fiè vre atteint son point culminant lors de la
pré sentation publique des nouvelles collections: autrement dit, quand les
«mannequins» viennent faire admirer à une assistance choisie les tout derniers
modè les dont on les a revê tus.


Rue Clé ment-Marot', cent cinquante personnes, installé es autour de la
piste, emplissaient les salons gris et or de la maison Marcel Germain. La
pré sentation à la presse de la collection de demi-saison venait de
commencer, en retard comme de coutume. Aristocratie de la profession, les
ré dactrices en chef des grandes revues fé minines é taient assises de droit au
premier rang. Derriè re elles, selon une hié rarchie subtile et soigneuse,
é taient placé es les chroniqueuses de mode des journaux de Paris et de
province; toutes ces dames prenaient des notes sur des calepins de
moleskine noire.

Se trouvaient là é galement les acheteuses des maisons amé ricaines, et
aussi un petit nombre d'hommes — illustrateurs, peintres, dé corateurs de
thé â tres et fabricants de tissus — qui ne semblaient nullement gê né s dans
cette voliè re*.

Les mannequins s'avanç aient, le cœ ur serré de trac2 le regard
faussement dé taché, avec une dé marche artificielle, un nonchaloir sur
veillé " des attitudes hors d'usage, et ce sourire forcé qu'ont les trapé zistes
en fin de numé ro.

Une crieuse annonç ait le nom des modè les. La saison pré cé dente,
Marcel Germain avait pris, pour baptiser ses robes, la sé rie des volcans et
des montagnes. Cette fois, il avait travaillé dans les petits gâ teaux. Les
tailleurs s'appelaient «Friand», «Sablé» et «Macaron», et la robe de marié e,
en broderie anglaise, se nommait «Puits d'Amour».

Germain avait inventé aussi la teinte de la saison: le bleu «é ternité».

Marcel Germain lui-mê me, dans un veston pervenche, au col une
cravate papillon de couleur flamme, les yeux lé gè rement à fleur de tê te et
les cheveux blonds en toupet ondulé, se promenait dans les couloirs,
nerveux, agité, anxieux, et é piait les applaudissements comme un auteur
dramatique pendant une gé né rale.

«Ah!., mes enfants, «Brioche» ne plaî t pas... Mais si, je sais ce que je
dis, entendez donc, ce manteau est un four, disait-il à son entourage de
maquettistes et de premiè res vendeuses. Je le savais, on n'aurait pas dû le
passer... Et maman? Est-ce que vous apercevez maman? Est-ce que maman
n'est pas dé sespé ré e? Pauvre maman...»

Mme Germain, la mè re du cré ateur, sage et rosé sous ses cheveux
blancs, se tenait parmi les hautes autorité s amé ricaines et distribuait de
doux sourires et de bons propos.

Le personnel supé rieur s'employait à rassurer le couturier, et la
directrice commerciale, Mme Merlier, personne au beau profil et aux
cheveux sé vè rement tiré s en arriè re, s'efforç ait de lui apporter un peu de


ré confort viril**.

Mais Germain continuait de se tordre les mains. On vivait en plein
drame. Comme toujours, il y avait des modè les qui n'é taient pas prê ts à
temps. Le couturier et son é tat-major avaient travaillé jusqu'à 3 heures du
matin, au studio, pour rectifier des dé tails, et, depuis l'ouverture, les
ateliers exé cutaient les derniè res inspirations.

«Et «Mille-Feuilles», est-ce que «Mille-Feuilles» est descendue?
demandait Marcel Germain. Mais, voyons, c'est effroyable! Qu'est-ce que
fait l'atelier de Marguerite? «Mille-Feuilles» est le clou de la collection.
Tout tient là -dessus. Merlier4, mon petit, je vous en prie, allez voir vous-
mê me ce qui se passe.»

C'é tait la troisiè me personne qu'il envoyait ainsi depuis dix minutes, à la
recherche de «Mille-Feuilles».

«Si nous ne pouvons pas montrer cette robe, moi, mes enfants, je vous
annonce que je ferme la maison ce soir, dé clara Germain, et je mets tout le
monde sur le pavé... Une cigarette, je voudrais une cigarette. Non, pas
celles-là, les miennes. Où sont-elles?.. Et celle-là, celle-là. Chantai, oui,
regardez-la, gé mit-il en dé signant un mannequin qui s'avanç ait dans le
grand salon, elle a oublié ses boucles d'oreilles! Je vous assure, moi, je vais
mourir***.»

MAURICE DRUON. Rendez-vous aux Enfers (1951).
Примечания:

1. В VIII округе Парижа между авеню Монтеня и улицей Пьера Шаррона, где
находятся наиболее известные дома моды (" от кутюр"). 2. Le trac (разг.) — страх,
волнение перед выходом на сцену, публичным выступлением. 3. С отработанной
небрежностью, непринужденностью. 4. Г-жа Мер лье.

Вопросы:

* Que signifie exactement ce mot de voliè re? Qu'a-t-il a la fois de juste et de piquant?

** Montrez fironie de cette é pithete, et sa vé rité.

*** Montrez de quelle vie est animé le curieux personnage lie Germain.






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