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La foire de Banon
Né à Manosque (Basses-Alpes), JEAN GIONO est le poè te moderne de la Provence, un poè te qui prê te une â me extriï onlinairemsnt fraî che aux plantes, aux bê tes, aux gens; et qui, sensible au mystè re de l'univers (mais non à Dieu), passe aisé ment d'une sorte de mysticisme laï que au ré alisme le plus pittoresque.
Malgré le mauvais an1 le grand marché d'é té a rempli la villotte2. Il y a des hommes et des chars sur toutes les routes, des femmes avec des paquets, des enfants habillé s de dimanche qui serrent dans leurs poings droits les dix sous pour le beignet3 frit. Ç a vient de toutes les pentes des collines. Il y en a un gros tas qui marche sur la route d'Ongles, tous ensemble, les charrettes au pas et tout le monde dans la poussiè re; il y en a comme des graines sur les sentiers du cô té de Laroche, des pié tons avec le sac à l'é paule et la chè vre derriè re; il y en a qui font la pause4 sous les peupliers du chemin de Simiane, juste dessous les murs, dans le son de toutes les cloches de midi. Il y en a qui sont arrê té s au carrefour du moulin; ceux de Laroche ont rencontré ceux du Buë ch. Ils sont emmê lé s comme un paquet de branches au milieu d'un ruisseau. Ils se sont regardé s les uns les autres d'un regard court qui va des yeux aux sacs de blé. Ils se sont compris tout de suite.
«Ah! qu'il est mauvais, cet an qu'on est à vivre!»5
«Et que le grain est lé ger!»—«Et que peu il y en a!»
«Oh! oui!»
Les femmes songent que, là -haut sur la place, il y a des marchands de toile, de robes et de rubans, et qu'il va falloir passer devant tout ç a é talé, et qu'il va falloir ré sister. D'ici, on sent dé jà la friture des gaufres; on entend
comme un suintement des orgues, des manè ges de chevaux de bois; ç a fait les figures longues6, ces invitations de fê te dans un bel air plein de soleil qui vous reproche le mauvais blé.
Dans le pré qui pend, à l'ombrage des pommiers, des gens de ferme se sont assis autour de leur dé jeuner. D'ordinaire, on va à l'auberge manger «la daube»7. Aujourd'hui, il faut aller à l'é conomie8.
Ç a n'est pas que l'auberge chô me; oh! non: à la longue table du milieu, il n'y a plus de place, et dé jà on a mis les gué ridons sur les cô té s, entre les fenê tres, et les deux filles sont rouges, à croire9 qu'elles ont des tomates mû res sous leurs cheveux, et elles courent de la cuisine à la salle sans arrê ter, et la sauce brune coule le long de leurs bras (...). Sur la place, les colporteurs et les bazars ont monté des baraques de toile entre les tilleuls. .Et c'est ré pandu à seaux10 sous les tentes; des chapeaux, des pantoufles, des souliers, des vestes, des gros pantalons de velours, des poupé es pour les enfants, des colliers de corail pour les filles, des casseroles et des «fait- tout»11 pour les mé nagè res et des jouets et des pompons pour les tout- petits, et des sucettes12 pour les goulus du té té 13 dont la maman ne peut pas se dé barrasser. Et c'est bien pratique. Il y a des marchands à l'aune14 avec leur rè gle de bois un peu plus courte que mesure. «Et je vous ferai bonne longueur; venez donc!» H y a des bonbanneries, et les marchands de sucrerie et de friture avec des gamins collé s contre, comme des mouches sur pot à miel; il y a celui qui vend des tisanes d'herbes et des petits livres où tout le mal du corps est expliqué et gué ri, et il y a, prè s de la bascule à moutons, un manè ge de chevaux de bois bariolé et grondeur qui tourne dans les arbres comme un bourdon.
Et ç a fait, dans la chaleur, du bruit et des cris à vous rendre sourds 15 comme si on avait de l'eau dans les oreilles. Chez Agathange, on a laissé les portes du café ouvertes. Il en coule un ruisseau de fumé e et de cris. Il y a là - dedans des gens qui ont dî né de saucisson et de vin blanc autour des tables de marbre et qui discutent maintenant en bousculant les verres vides du poing et de la voix. Agathange n'en peut plus. II est sur ses pieds depuis ce matin. Pas une minute pour s'asseoir. Toujours en route de la cuisine au café et il faut passer entre les tables, entre les chaises. Voilà celui-là du fond qui veut du vermouth maintenant. Val6 falloir descendre à la cave. Il est en bras de chemise: une belle chemise à fleurs rouges. Il a le beau pantalon et pas de faux col. Le faux col en celluloï d est tout pré paré sur la table de la cuisine à cô té des tasses propres. Il y a aussi les deux boutons de fer et un nœ ud de cravate tout fait, bien noir, bien neuf, acheté de frais pour tout à l'heure*.
JEAN GIONO. Regain (1930).
Примечания:
1. La mauvaise anné e (an ne se dit pas couramment dans ce sens). 2. Маленький городок. З. Кусочки мяса или овощей в тесте, жареные во фритюре. 4. Останав- ливаются на некоторое время. 5. Expression locale: cette anné e que nous sommes en train de vivre. 6. Вытянутые, унылые лица. 7. Мясо, тушеное в белом вине с овощами и пряностями. 8. Приходится экономить. 9. Si bien qu'on croirait — Можно подумать, будто... 10. В огромных количествах (букв, ведрами). 11. Кастрюля с крышкой для приготовления любых блюд. 12. Леденцы на палочках. 13. Té ter — сосать (материн- скую грудь или соску). Les goulus du té té — дети, которые никак не отучатся от соски. 14. Локоть — старинная мера длины во Франции (ок. 1м 18 см). 15. См. прим. 7. Способные оглушить, оглушающие. 16. // va falloir (langue parlé e).
Вопросы:
* Il y a bien des é lé ments dans ce style composite. Montrez la place qu'y tiennent les tournures populaires. - - '..
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